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Et lorsque la lettre eut été lue, Néron dit : Dites-moi, Pierre, est-ce ainsi que toutes choses ont été faites par lui ? Pierre dit : Oui, je ne vous trompe pas, bon empereur. Ce Simon, plein de mensonges et environné de tromperies, pense être aussi ce que Dieu est, quoiqu’il soit un homme très-méchant. Or il y a dans le Christ les deux substances de Dieu et de l’homme : de l’homme qu’a pris cette majesté incompréhensible, qui par l’homme a daigné subvenir aux hommes ; mais dans ce Simon il y a les deux substances de l’homme et du diable, qui par l’homme tâche d’embarrasser les hommes[1]. Simon dit : Je vous admire, ô empereur, que vous regardiez comme de quelque conséquence cet homme ignorant, pécheur, très-menteur, qui n’est remarquable ni par la parole, ni par sa famille, ni par quelque puissance. Mais, pour ne pas souffrir plus longtemps cet ennemi, je vais commander à mes anges qu’ils viennent, et me vengent de lui. Pierre dit : Je ne crains pas vos anges, mais eux pourront me craindre dans la vertu, et dans la confiance de mon Seigneur Jésus-Christ, que vous prétendez faussement être. Néron dit : Pierre, vous ne craignez pas Simon, qui affirme sa divinité par des effets ! Pierre dit : La divinité est dans celui qui sonde les secrets des cœurs ; si donc la divinité est en lui, qu’il me dise maintenant ce que je pense ou ce que je fais. Avant qu’il devine ma pensée, je vais vous la dire à l’oreille, afin qu’il n’ose pas mentir ce que je pense. Néron dit : Dites-moi qu’est-ce que vous pensez ? Pierre dit : Ordonnez que l’on m’apporte un pain d’orge, et qu’on me le donne en cachette. Et lorsqu’il eut ordonné qu’on l’apportât, et qu’on le donnât à Pierre, ayant pris le pain, Pierre le rompit, le cacha sous sa manche, et dit : Qu’il dise maintenant ce que j’ai pensé, ce qu’on a dit, ou ce qu’on a fait. Néron dit : Voulez-vous donc que je croie, parce que Simon n’ignore pas ces choses, lui qui a ressuscité un mort, et qui, ayant été décollé, s’est représenté après le troisième jour, et a fait tout ce qu’il avait dit qu’il ferait ? Pierre dit : Mais il ne l’a pas fait devant moi. Néron dit : Il a fait toutes ces choses en ma présence, car il a dit à ses anges de venir à lui, et ils sont venus. Pierre dit : Donc il a fait

  1. Hégésippe, I. III, chap. ii, De Bello judaico, et urbis Hierosolimitanæ excidio, et Abdias, chap. xvi, Apostol. Histor., avant de rapporter l’aventure des chiens et du pain d’orge, racontent comment Pierre, par la prière, ressuscita, au nom de Jésus-Christ, un jeune homme noble, et parent de César, après que Simon eut en vain tâché de la faire revivre par ses enchantements. Le mort avait paru remuer la tête ; mais Pierre le fit parler, marcher, et le rendit vivant à sa mère. (Note de Voltaire.)