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voyaient, s’attristaient sur elle, et pleuraient ; et tous ceux qui étaient présents pleuraient et se lamentaient, principalement lorsqu’elle pleurait, et disait : Ô mes frères et mes amis ! n’y a-t-il personne qui me délivre de cet homicide ? Mais la fille du prince, qui avait été guérie de sa lèpre, entendant la voix de cette jeune fille, monta sur le toit de son château, et la vit qui fondait en larmes les mains jointes sur sa tête, et toute l’assemblée qui l’environnait pleurant également. Ainsi elle demanda au mari de la possédée si la mère de sa femme était vivante. Lui ayant dit que son père et sa mère vivaient : Envoyez-moi, dit-elle, sa mère ; et lorsqu’elle la vit venir : Cette possédée, dit-elle, est-elle votre fille ? Oui, dit-elle, triste et pleurante ; ô madame ! elle est engendrée de moi. La fille du prince répondit : Cachez mon secret ; car je vous avoue que j’ai été lépreuse ; mais la dame Marie, mère de Jésus-Christ, m’a guérie. Que si vous désirez que votre fille recouvre sa première santé, la menant à Bethléem, cherchez Marie, mère de Jésus ; et ayez confiance que votre fille sera guérie ; car je crois que votre fille étant saine, vous reviendrez joyeuse. Elle n’eut pas achevé le mot, qu’elle se leva ; et étant partie avec sa fille pour le lieu désigné, elle alla vers la divine dame Marie, et lui apprit l’état de sa fille. La divine Marie ayant entendu sa prière, lui donna un peu de l’eau dont elle avait lavé le corps de son fils Jésus, et ordonna de la répandre sur le corps de la fille ; et lui ayant donné une petite bande des langes du Seigneur Jésus : Prenez, dit-elle, cette bande, et faites-la voir à votre ennemi chaque fois que vous le verrez ; et elle les renvoya en paix.

XXXIV. — Lorsqu’elles l’eurent quittée et furent de retour dans leur ville, le temps auquel Satan avait coutume de l’épouvanter approchait, et à la même heure ce maudit lui apparut sous la forme d’un grand dragon ; et la fille, le voyant, fut saisie de frayeur. Ô ma fille ! dit sa mère, cessez de craindre, et laissez-le approcher de vous ; alors vous lui opposerez la bande que la dame Marie vous a donnée, et voyons ce qui en arrivera. Ainsi ce Satan approchant en dragon terrible, le corps de la fille fut saisi d’une crainte effroyable ; mais aussitôt qu’elle montra cette bande mise sur sa tête et déployée aux yeux, il sortait de la bande des flammes et des étincelles de feu qui s’élançaient contre le dragon. Ah ! combien grand est ce miracle, qui arrivait à mesure que le dragon regardait la bande du Seigneur Jésus ! car le feu en sortait et se répandait contre sa tête et ses yeux, de sorte qu’il s’écriait d’une voix