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à celle-ci, lorsqu’elle lui apporta son fils et lui raconta cet événement, de rendre grâces à Dieu pour la santé que son fils avait recouvrée, et de ne raconter à qui que ce soit ce qui était arrivé[1].

XXIX. — Il y avait dans la même ville deux femmes, épouses d’un homme dont chacune avait un fils malade ; l’une se nommait Marie, et le nom de son fils était Kaljufe[2]. Celle-là se leva, et ayant pris son fils, elle alla vers la divine Marie, mère de Jésus, et lui ayant présenté une très-belle serviette : Ô madame Marie ! dit-elle, recevez de moi cette serviette, et rendez-moi à la place un de vos langes. Marie le fit, et la mère de Kaljufe s’en allant, en fit une tunique dont elle habilla son fils. Ainsi sa maladie fut guérie ; mais le fils de sa rivale mourut. De là vint une mésintelligence entre elles : comme elles avaient le soin du ménage chacune leur semaine, et que c’était le tour de Marie mère de Kaljufe, elle chauffait le four pour cuire du pain ; et ayant laissé son fils Kaljufe auprès du four, elle sortit pour aller chercher de la farine. Sa rivale, le voyant seul [or le four chauffait à grand feu], le prit et le jeta dans le four, et se retira de là. Marie, revenant et voyant son fils Kaljufe rire couché au milieu du four[3], et le four refroidi comme si on n’y avait point mis de feu, elle connut que sa rivale l’avait jeté dans le feu. L’ayant donc retiré, elle le porta à la divine dame Marie, et lui raconta son accident. Taisez-vous, lui dit-elle, car je crains pour nous si vous divulguez ces choses. Ensuite sa rivale alla tirer de l’eau au puits, et voyant Kaljufe qui jouait auprès du puits, et qu’il n’y avait personne, elle le prit, et le jeta dans le puits. Et lorsque des personnes furent venues chercher de l’eau au puits, elles virent cet enfant assis sur la surface de l’eau, et lui ayant tendu des cordes, ils le retirèrent. Et cet enfant leur causa une si grande admiration qu’ils glorifiaient Dieu. Or, sa mère étant survenue, elle le prit et le porta vers la divine dame Marie, en pleurant et disant : Ô madame ! voyez ce que ma rivale a fait à mon fils, et comment elle l’a jeté dans un puits ; et il n’y a point de doute que quelque jour elle ne lui cause quelque malheur. La divine Marie lui dit : Dieu vengera l’injustice qu’elle vous a faite. Peu de jours après, comme sa rivale allait puiser de l’eau au puits, son enfant s’embarrassa dans la corde, de façon qu’il fut précipité dans le puits ; et ceux qui accoururent à son secours lui trouvèrent la tête cassée et les

  1. Matth., viii, 4 ; ix, 30 ; xii, 16. (Note de Voltaire.)
  2. Caleb. (Id.)
  3. Daniel, iii, 23. (Id.)