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tainement notre frère a repris sa première forme par le secours du Seigneur Jésus, et par la bénédiction de cette jeune fille qui nous a fait connaître Marie et son fils. Actuellement donc, comme notre frère est garçon, il est convenable que nous lui donnions en mariage cette jeune fille, leur servante. En ayant fait la demande à la divine Marie, qui la leur accorda, elles préparèrent à cette jeune fille des noces splendides ; et, changeant leur tristesse en joie et leurs pleurs en ris, elles commencèrent à se réjouir, à se divertir, à danser et chanter, après s’être parées de leurs habits et de leurs colliers les plus brillants, à cause de l’excès de leur plaisir. Ensuite, en glorifiant et louant Dieu, elles disaient : Ô Jésus fils de David, qui changez la tristesse en joie et les pleurs en ris ! Et Joseph et Marie y demeurèrent dix jours. Ensuite ils partirent, accablés d’honneurs par ces personnes, qui, leur ayant dit adieu et s’en étant retournées, versaient des larmes, et plus que les autres la jeune fille.

XXIII. — Au sortir de là étant arrivés dans une terre déserte, et ayant appris qu’elle était infestée par les voleurs, Joseph et la divine Marie se préparaient à la traverser de nuit. Et en marchant, voilà qu’ils aperçoivent dans le chemin deux larrons endormis, et avec eux une multitude de larrons qui étaient leurs associés, et ronflaient aussi. Et ces deux larrons qu’ils rencontraient étaient Titus et Dumachus[1] ; et Titus disait à Dumachus : Je vous prie de laisser en aller librement ces gens-là, de peur que nos associés ne les aperçoivent. Or, Dumachus le refusant, Titus lui dit une seconde fois : Prenez ces quarante drachmes, et cette ceinture que je vous donne, et qu’il lui présentait plus promptement qu’il ne le disait, de peur qu’il n’ouvrit la bouche ou qu’il ne parlât. Et la divine dame Marie, voyant que ce larron leur faisait du bien, lui dit : Le Seigneur Dieu vous recevra à sa droite, et vous accordera la rémission des péchés. Et le Seigneur Jésus répondit et dit à sa mère : Après trente ans, ô ma mère ! les Juifs me crucifieront à Jérusalem ; et ces deux larrons, en même temps que moi, seront élevés en croix, Titus à ma droite, et Dumachus à ma gauche ; et depuis ce jour-là Titus me précédera en paradis[2]. Et lorsqu’elle eut dit : Mon fils, que Dieu détourne cela de vous[3] ! ils allèrent de là à la ville des idoles, laquelle fut changée en collines de sable lorsqu’ils en eurent approché.

  1. Nicodème les appelle Dimas et Gestas, art. ix de son Évangile ; et Bède, Matha et Joca. (Note de Voltaire.) — Voyez page 517.
  2. Luc, xxiii, v. 43. (Id.)
  3. Matth., xvi, v. 22. (Id.)