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de sa lèpre depuis ce temps-là. Le peuple disait donc : Il n’y a point de doute que Joseph et Marie, et cet enfant, ne soient des dieux ; car ils ne paraissaient pas mortels. Or, comme ils se préparaient à partir, cette jeune fille que la lèpre avait infectée, s’approchant, les priait qu’ils la prissent pour compagne de voyage.

XVIII. — Ils y consentaient, et la jeune fille allait avec eux, jusqu’à ce qu’ils vinrent dans une ville dans laquelle était la forteresse d’un grand prince, dont le palais n’était pas loin de l’hôtellerie. Ils y allaient, lorsque la jeune fille les quitta, et étant entrée vers l’épouse du prince, et l’ayant trouvée triste et pleurante, elle lui demandait la cause de ses pleurs. Ne vous étonnez point, dit-elle, de mes sanglots ; car j’éprouve une grande calamité, que je n’oserai raconter à personne. Or la jeune fille dit : Peut-être que, si vous me confiez votre mal secret, le remède s’en trouvera auprès de moi. Tenant donc mon secret caché, répondit l’épouse du prince, vous ne le raconterez à aucun mortel. J’ai été mariée à ce prince qui, comme un roi, a plusieurs terres sous sa domination : ainsi, j’ai longtemps vécu avec lui, et il n’avait point d’enfant de moi. À la fin, je conçus de lui ; mais, hélas ! j’accouchai d’un fils lépreux, qu’il ne reconnut point pour sien lorsqu’il le vit, et il me dit : Ou tuez-le, ou abandonnez-le à quelque nourrice pour être élevé dans un lieu que je n’en entende jamais parler. D’ailleurs, prenez ce qui est à vous, je ne vous verrai jamais plus. Ainsi, je me suis consumée en déplorant mon affliction et ma condition misérable. Hélas ! mon fils ! Hélas ! mon époux ! Ne vous ai-je pas dit, reprit la jeune fille, que j’ai trouvé à votre mal un remède dont je vous réponds ? Car j’ai été aussi lépreuse ; mais Dieu, qui est Jésus, fils de la dame Marie, m’a guérie. Or cette femme lui demandant où était ce Dieu dont elle parlait : Il est ici avec vous, dit la jeune fille, dans la même maison. Mais comment, dit-elle, cela se peut-il faire ? Où est-il ? Voici, répliqua la jeune fille, Joseph et Marie. Or l’enfant qui est avec eux s’appelle Jésus, et c’est lui qui a guéri ma maladie et mon affliction. Mais comment, dit-elle, avez-vous été guérie de la lèpre ? ne me l’indiquerez-vous pas ? Pourquoi non, dit la jeune fille ; j’ai pris de l’eau dont son corps avait été lavé, je l’ai versée sur moi, et ma lèpre a disparu. C’est pourquoi l’épouse du prince, se levant, les logea chez elle, et prépara à Joseph un festin splendide dans une nombreuse assemblée. Or, le jour suivant, elle prit de l’eau parfumée pour en laver le Seigneur Jésus, et ensuite de la même eau elle arrosa son fils, qu’elle avait