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repris ses habits, elle expliqua la raison de son état à son père et à ses proches, lesquels, étant des principaux de la ville, reçurent chez eux la divine Marie et Joseph avec vénération.

XV. — Le jour suivant, ils partirent de chez eux, munis d’une honnête provision pour le voyage, et, sur le soir du même jour, ils arrivèrent dans une autre ville où l’on célébrait des noces ; mais l’épouse était devenue muette par les tromperies maudites de Satan et par le moyen de la magie, de sorte qu’elle ne pouvait plus ouvrir la bouche. Cette épouse muette, voyant donc la divine Marie lorsqu’elle entrait dans la ville en portant dans ses bras son fils le Seigneur Christ, elle étendit ses mains vers le Seigneur Christ, et l’ayant tiré à soi, elle le prit dans ses bras, et le serrant étroitement, elle lui donna de fréquents baisers, en l’agitant plusieurs fois et l’approchant de son corps. Aussitôt le nœud de sa langue se délia[1], et ses oreilles s’ouvrirent, et elle commença à chanter des louanges et des actions de grâces à Dieu, de ce qu’il lui avait rendu la santé. C’est pourquoi il se répandit cette nuit une si grande joie parmi les citoyens de cette ville qu’ils pensaient[2] que Dieu et ses anges étaient descendus vers eux.

XVI. — Ils y restèrent trois jours, traités avec grande vénération, et reçus avec un splendide appareil. Munis ensuite de provisions pour le voyage, ils les quittèrent, et vinrent dans une autre ville, dans laquelle ils désiraient passer la nuit parce qu’elle était florissante par la célébrité des hommes. Or il y avait dans cette ville une femme noble, laquelle étant un jour descendue vers le fleuve pour laver, voici que le maudit Satan, en forme de serpent, avait sauté sur elle, et s’était entortillé autour de son ventre, et toutes les nuits il s’étendait sur elle. Cette femme, ayant vu la divine dame Marie et le Seigneur Christ enfant dans son sein, priait la divine dame Marie qu’elle lui remit cet enfant pour le tenir et le baiser ; elle y ayant consenti, et ayant à peine approché l’enfant, Satan s’éloigna d’elle, et, fuyant, il la laissa ; et depuis ce jour cette femme ne le vit jamais. Tous les voisins louaient donc le Dieu suprême ; et cette femme les récompensait avec une grande honnêteté.

XVII. — Le jour suivant, la même femme prit de l’eau parfumée pour laver le Seigneur Jésus ; et, l’ayant lavé, elle mit à part cette eau chez elle. Il y avait là une jeune fille dont le corps était blanc de lèpre, qui, s’étant arrosée et lavée avec cette eau, fut guérie

  1. Marc, vii, v. 35. (Note de Voltaire.)
  2. Act., xiv, v. 10. (Id.)