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ché, les démons se sont enfuis, et m’ont quitté. Le père, transporté de joie, lui dit : Mon fils, il se peut faire que cet enfant soit le fils du Dieu vivant, qui a créé le ciel et la terre ; car aussitôt qu’il est venu vers nous l’idole a été brisée, et tous les dieux ont été renversés et détruits par une force supérieure.

XII. — Ainsi s’accomplit la prophétie qui dit[1] : J’ai appelé mon fils d’Égypte ; car Joseph et Marie, ayant appris que l’idole avait été renversée et détruite, furent tellement saisis de crainte et d’épouvante qu’ils dirent : Lorsque nous étions dans la terre d’Israël, Hérode a voulu faire mourir Jésus ; c’est pour cela qu’il a massacré tous les enfants de Bethléem et de ses environs, et il n’y a point de doute que les Égyptiens ne nous fassent brûler, s’ils apprennent que cette idole a été brisée et renversée.

XIII. — Étant donc sortis de là, ils parvinrent auprès d’un repaire de voleurs, qui, ayant dépouillé des voyageurs de leurs bagages et de leurs habits, les conduisaient enchaînés. Or ces voleurs entendaient un grand bruit, tel qu’est ordinairement celui d’un roi qui sort de sa ville, suivi d’une nombreuse armée et de sa cavalerie au son retentissant des tambours ; c’est pourquoi, laissant toute leur proie, ils s’enfuirent. Alors les captifs, se levant, détachaient les chaînes l’un de l’autre ; et ayant repris leurs bagages et s’en allant, lorsqu’ils virent approcher Joseph et Marie, ils leur demandèrent : Où est ce roi dont les voleurs, entendant le bruit de l’arrivée, nous ont laissé échapper sans nous faire aucun mal ? Joseph répondit : Il vient après nous.

XIV. — Ensuite ils vinrent dans une autre ville où était une femme possédée, dont Satan, maudit et rebelle, s’était emparé comme elle était allée une fois de nuit puiser de l’eau. Elle ne pouvait ni souffrir des habits[2], ni rester dans les maisons ; et chaque fois qu’on l’attachait avec des chaînes ou des courroies, elle les rompait, et fuyait toute nue dans les lieux déserts ; et, se tenant dans les carrefours et dans les cimetières, elle jetait des pierres aux hommes, de sorte qu’elle causait beaucoup de dommages à ses proches. La divine Marie l’ayant donc vue, en eut pitié ; et tout d’un coup Satan la quitta, et, s’enfuyant sous la forme d’un jeune homme, il dit : Malheur à moi à cause de vous, Marie, et de votre fils ! Ainsi cette femme fut délivrée de son tourment, et, revenant à son bon sens et rougissant de sa nudité, elle retourna vers ses proches, évitant la rencontre des hommes ; et ayant

  1. Num., xxiv, v. 8 ; Osée, xi, v. 1 ; Matth., ii, v. 15. (Note de Voltaire.)
  2. Luc, chap. viii, v. 27 ; et Marc, v, v. 2. (Id.)