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voyage, il fut surpris par l’aurore ; et la fatigue du chemin avait rompu la sangle de la selle. Et ils approchaient déjà d’une grande ville dans laquelle était une idole, à qui les autres idoles et les dieux d’Égypte offraient des dons et des vœux ; et auprès de cette idole se tenait un prêtre qui en était le ministre, et qui, chaque fois que Satan parlait par la bouche de cette idole, le rapportait aux habitants de l’Égypte et de ces contrées. Ce prêtre avait un fils de trois ans[1], obsédé d’une grande multitude de démons, lequel tenait plusieurs propos ; et lorsque les démons se saisissaient de lui, il déchirait ses habits, et courait tout nu en jetant des pierres aux passants. Or, dans le voisinage de cette idole était l’hôpital de cette ville, dans laquelle Joseph et la divine Marie furent à peine entrés, et descendus dans cet hôpital, que ses citoyens furent fort consternés ; et tous les princes et les prêtres de l’idole s’assemblèrent auprès de cette idole, lui demandant : Quelle est cette consternation et cette épouvante qui a saisi notre pays ? L’idole leur répondit : Il est arrivé ici un Dieu inconnu, qui est véritablement Dieu, et pas un autre que lui n’est digne du culte divin, parce qu’il est véritablement fils de Dieu[2] ; à sa seule renommée cette région a tremblé, et son arrivée la trouble et l’agite, et nous craignons beaucoup de la grandeur de son empire. Et à l’heure même cette idole fut renversée, et tous les habitants d’Égypte, outre les autres, accoururent à sa ruine.

XI. — Mais le fils du prêtre, attaqué de sa maladie accoutumée, entra dans l’hôpital, où il offensa Joseph et la divine Marie, que tous les autres avaient abandonnés par la fuite. Et parce que la divine Marie avait lavé les langes du Seigneur Christ, et les avait étendus sur une latte, cet enfant possédé arracha un de ces langes et le mit sur sa tête, et aussitôt les démons commencèrent à sortir de sa bouche, et à fuir sous la figure de corbeaux et de serpents. Depuis ce temps donc, par l’empire du Seigneur Christ, l’enfant fut guéri, et commença à chanter des louanges et à rendre grâce au Seigneur qui l’avait guéri. Et son père le voyant rétabli dans sa première santé : Mon fils, dit-il, que vous est-il arrivé ? et par quel moyen avez-vous été guéri ? Le fils répondit : Comme les démons m’agitaient, je suis entré dans l’hôpital, et j’y ai trouvé une femme d’un visage charmant, avec son enfant, dont elle avait étendu sur une latte les langes qu’elle venait de laver : pendant que j’en mettais sur ma tête un que j’avais arra-

  1. Marc., v, v. 9 ; et Luc, viii, v. 30. (Note de Voltaire.)
  2. Marc., v, v. 7 ; Matth., viii, v. 29 ; Luc, iv, v. 41. (Id.)