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A M. BERGIER. 41

choses très-différentes, la vérité des Évangiles et leur authenticité. Comment n'avez-vous pas pris garde qu'il faut ahsolument que ces écrits soient authentiques pour être reconnus vrais ? II n'en est pas d'un livre divin qui doit contenir notre loi comme d'un ouvrage profane : celui-ci peut être vrai sans avoir des témoi- gnages publics et irréfragables qui déposent en sa faveur. VHis- toire de Philippe de Commines peut contenir quelques vérités sans le sceau de l'approbation des contemporains ; mais les actions d'un Dieu doivent être constatées par le témoignage le plus authen- tique. Tout homme peut dire : Dieu m'a parlé, Dieu a fait tels et tels prodiges ; mais on ne doit le croire qu'après avoir entendu soi-même cette voix de Dieu, après avoir vu soi-même ces pro- diges ; et si on ne les a ni vus ni entendus, il faut des enquêtes qui nous tiennent lieu de nos yeux et de nos oreilles.

Plus ce qu'on nous annonce est surnaturel et divin, plus il nous faut de preuves. Je ne croirai point la foule des historiens qui ont dit que Vespasien guérit un aveugle et un paralytique, s'ils ne m'apportent des preuves authentiques et indubitables de ces deux miracles.

Je ne croirai point ceux d'Apollonius de Tyane, s'ils ne sont constatés par la signature de tous ceux qui les ont vus. Ce n'est pas assez ; il faut que ces témoins aient tous été irréprochables, incapables d'être trompeurs et d'être trompés ; et encore après toutes ces conditions essentielles, tous les gens sensés douteront de la vérité de ces faits ; ils en douteront parce que ces faits ne sont point dans l'ordre de la nature.

C'est donc à vous, monsieur, de nous prouver que les Évan- giles ont toute l'authenticité que nous exigeons sur les miracles de Vespasien et d'Apollonius de Tyane. Le nom d'Évangile n'a été connu d'aucun auteur romain ; ces livres étaient même en très- peu de mains parmi les chrétiens. C'était entre eux un mystère sacré qui n'était même jamais communiqué aux catéchumènes, pendant les trois premiers siècles. Les Évangiles sont vrais, mais on vous soutiendra qu'ils n'étaient pas authentiques. Les miracles de ra])bé Paris ont eu mille fois plus d'authenticité ; ils ont été recueillis par un magistrat ^ signés d'un nombre prodigieux de témoins oculaires, présentés publiquement au roi par ce magis- trat même. Jamais il n'y eut rien de plus authentique ; el, cepen- dant, jamais rien de plus faux, de plus ridicule et de plus univer- sellement méprisé.

I. Carré de Montgcron ; voyez la note, tome XVI, page 78.

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