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marche, il vit le pôle ou le ciel arrêté, et l’air tout interdit, et les oiseaux du ciel s’arrêtant au milieu de leur course. Et, regardant à terre, il vit une marmite de viande dressée, et des ouvriers assis à table, dont les mains étaient dans la marmite ; et mâchant ils ne mâchaient pas, et ceux qui portaient les mains à la tête ne prenaient rien, et ceux qui présentaient à leur bouche n’y portaient rien, mais les faces de tous étaient attentives en haut. Et voici que des brebis étaient dispersées, [elles n’avançaient point, mais] elles étaient arrêtées. Et le berger levant la main pour les frapper avec sa verge, sa main restait en haut. Et, regardant dans le torrent du fleuve, il vit les museaux des boucs qui approchaient à la vérité de l’eau, mais qui ne buvaient pas, [enfin toutes choses en ce moment étaient détournées de leur cours].

XIX. — Et voici qu’une femme descendant des montagnes lui dit : Je vous dis, ô homme, où allez-vous ? Et il dit : Je cherche une sage-femme juive. Et elle lui dit : Êtes-vous d’Israël, vous ? Et il dit : Oui. Mais elle dit : Quelle est celle qui accouche dans la caverne ? Et il dit : C’est ma fiancée. Et elle dit : N’est-elle pas votre femme ? Et Joseph dit : Elle n’est point ma femme ; mais c’est Marie, élevée dans le saint des saints, dans le temple du Seigneur ; et elle m’est échue par le sort, et elle a conçu du Saint-Esprit. Et la sage-femme lui dit : Cela est-il vrai ? Il lui dit : Venez et voyez. Et la sage-femme alla avec lui. Et elle s’arrêta devant la caverne. Et voici qu’une nuée lumineuse ombrageait la caverne ; et la sage-femme dit : Mon âme a été magnifiée aujourd’hui, parce que mes yeux ont vu des choses étonnantes, et le salut est né à Israël. Or, tout d’un coup la nuée fut dans la caverne, et une grande lumière, de sorte que leurs yeux ne la supportaient pas ; mais peu à peu la lumière se modéra, de sorte que l’enfant fut aperçu, et il prenait les tétons de sa mère Marie, et la sage-femme s’écria, et dit : Ce jour d’aujourd’hui est grand pour moi, parce que j’ai vu ce grand spectacle. Et la sage-femme sortit de la caverne, et Salomé se trouva à sa rencontre. Et la sage-femme dit à Salomé : J’ai un grand spectacle à vous raconter ; une vierge a engendré celui que sa nature ne comporte pas [et cette vierge demeure vierge]. Et Salomé dit : Le Seigneur mon Dieu est vivant ; si je n’examine pas sa nature, je ne croirai pas qu’elle a enfanté.

XX. — Et la sage-femme, entrant, dit à Marie : Couchez-vous, car un grand combat se prépare pour vous. Et lorsque Salomé l’eut touchée dans le lieu même, elle sortit, disant : Malheur à moi impie et perfide, parce que j’ai tenté le Dieu vivant ; et voici que