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conçu son fils dans sa vieillesse : et ce mois-ci est le sixième pour celle qui était appelée stérile, parce que tout ce que je vous dis ne sera pas impossible auprès de Dieu. Et Marie dit : Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon votre parole.

XII. — Et ayant achevé la pourpre et l’écarlate, elle l’apporta au grand prêtre. Il la bénit, et dit : Ô Marie ! votre nom est magnifié, et vous serez bénie dans toute la terre. Marie, ayant conçu une grande joie, s’en alla vers Élisabeth, sa cousine, et frappa à sa porte. Et Élisabeth, l’entendant, accourut à la porte, et lui ouvrit, et dit[1] : Et d’où me vient ce bonheur que la mère du Seigneur vienne à moi ? Car ce qui est en moi a tressailli et vous a béni. Or[2] Marie elle-même ignorait ces mystères, dont l’archange Gabriel lui avait parlé. Et, regardant le ciel, elle dit : Qui suis-je, pour que toutes les générations me disent ainsi bienheureuse ? Mais de jour en jour son ventre grossissait ; et, frappée de crainte, Marie s’en alla dans sa maison, et se cacha des[3] enfants d’Israël. Elle avait seize ans lorsque ces mystères s’accomplissaient.

XIII. — Au bout de son sixième mois, voici que Joseph vint de ses ouvrages de charpente ; et, entrant dans sa maison, il la vit enceinte, et le visage abattu [il se jeta par terre, et pleura amèrement] disant : De quel front regarderai-je le Seigneur Dieu ? Or quelle prière ferai-je pour cette petite fille, laquelle j’ai reçue vierge du temple du Seigneur Dieu, et je ne l’ai pas gardée ? Qui m’a trompé ? Qui a fait ce mal dans ma maison ? Qui a captivé et séduit la vierge ? Ne m’est-il pas arrivé une histoire pareille à celle d’Adam ? Car à l’heure de son bonheur, le serpent entra et trouva Ève seule, et il la séduisit : oui, oui, pareille chose m’est arrivée. Et Joseph se releva de terre ; et, ayant pris Marie, il lui dit : Ô vous qui étiez si agréable à Dieu, pourquoi avez-vous fait cela, et avez-vous oublié le Seigneur votre Dieu, vous qui avez été élevée dans le saint des saints ? Pourquoi avez-vous avili votre âme, vous qui receviez votre nourriture de la main des anges[4] ? Pourquoi avez-vous fait cela ? Mais elle pleurait très-amèrement, disant : Je suis pure, et n’ai point connu d’homme. Mais Joseph lui dit : Eh ! d’où vient donc ce que vous avez dans le sein ? Et Marie répondit : Le Seigneur mon Dieu est vivant ; je ne sais d’où cela me vient.

XIV. — Et Joseph fut tout interdit et persistait dans cette pensée. Que ferai-je d’elle ? Et Joseph dit en soi-même : Si je

  1. Luc, i, v. 43. (Note de Voltaire.)
  2. Luc, ii, v. 33 et 50. (Id.)
  3. Luc, i, v. 24. (Note de Voltaire.)
  4. Supra, chap. viii. (Id.)