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448 AVANT-PROPOS.

pas cette femme dont vous me parlez, et elle n'est point à mol. » Le gouverneur l'ayant embrassée et baisée dans la rue, elle courut vers Paul, en criant d'une voix triste : « N'insultez point une étrangère, et ne violez point la servante de Dieu. Je suis des premières familles d'Icône, et j"ai été contrainte de quitter la ville parce que je refusais d'épouser Tliamyris. » Et, se saisissant d'Alexandre, elle lui déchira sa tunique, fit tomber la cou- ronne de sa tête, et le renversa par terre devant tout le monde. Alexandre, transporté d'amour et de honte, la conduisit au gou- verneur, qui, gagné par un présent d'Alexandre, la condamna aux bêtes.

Thècle, se voyant condamnée, demanda au gouverneur d'être conservée chaste jusqu'au jour qu'elle devait combattre. Elle fut confiée à une veuve fort riche, nommée Trisina ou Tryphena, dont la fille venait de mourir, et qui la regarda comme sa fille.

Thècle fut d'abord exposée à une lionne très-cruelle, qui lui léchait les pieds. Et comme Trisina, qui n'avait pas rougi de la suivre, l'eut ramenée dans sa maison, voici que sa fihe, qui était morte, lui apparut en songe et lui dit : « Ma mère, prenez à ma place Thècle, la servante du Christ, et demandez-lui qu'elle prie pour moi, afin que je sois transportée dans un lieu de repos. » Thècle, pour calmer les pleurs de la mère, se mit à prier le Seigneur, disant : « Seigneur, Dieu du ciel et de la terre, Jésus- Christ fils du Très-Haut, faites que sa fille Falconille vive éter- nellement. » Ce qu'entendant Trisina, elle pleura davantage, disant: « jugements injustes! ô crime indigne, de livrer aux bêtes une telle personne ! »

Thècle fut exposée une seconde fois aux bêtes, après qu'on l'eut dépouillée de ses habits, et on lâcha contre elle des lions et des ours ; et la cruelle lionne, courant à elle, se coucha à ses pieds. Une ourse l'ayant attaquée fut arrêtée et mise en pièces par la lionne. Ensuite un lion accoutumé à dévorer des hommes, et qui appartenait à -Uexandre, se jeta contre elle. Mais la lionne, en le combattant, tomba morte avec lui. On lâcha ensuite plu- sieurs bêtes, pendant que Thècle priait debout, les mains étendues vers le ciel. Ses prières étant finies, elle vit la fosse pleine d'eau ; et, s'y plongeant précipitamment, elle dit : a Mon Seigneur Jésus-Christ, c'est en votre nom que je suis baptisée en mon dernier jour. » Le gouverneur même ne pouvait retenir ses larmes, voyant que les veaux marins allaient avaler une tehe beauté. Mais toutes les bêtes, frappées d'un éclat de foudre, sur- nagèrent sans force, et une nuée de feu entoura Thècle : de

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