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Je n’entends rien à la raillerie ; mais j’espère que vous serez content de ma politesse.

On m"a mandé, monsieur, que vous aviez Lien maltraité le bon vieillard auprès de qui je cultive les lettres; on dit que c’est dans le vingt-septième volume des Mémoires de l’ Académie des belles-lettres, page 331. Je n’ai point ce livre; c’est à vous à voir, monsieur, si les paroles qu’on m’a rapportées sont les vôtres; les voici : « M. de Voltaire, par une méprise assez singulière, transforme en homme le titre du livre intitulé le Saddcr. Zoroastre, dit-il, dans les écrits conservés par Sadder, feint que Dieu lui fit voir l’enfer et les peines réservées aux méchants, etc. Je parierais bien que M. de Voltaire n’a pas lu le Sadder, etc. »

Permettez, monsieur, que je défende, devant vous et devant l’Académie des belles-lettres, la cause d’un homme hors de com- bat, qui ne peut se défendre lui-même. J’ai consulté le livre que vous citez, et que vous censurez. Le titre n’est pas Histoire uni- verselle, comme vous le dites, mais Essai sur l’Histoire générale et sur les Mœurs et l’Esprit des nations. L’endroit que vous citez, et sur lequel vous offrez de parier, est à la page 63 de la nouvelle édi- tion de 1761, tome I*. Voici les propres paroles : « C’est dans ces dogmes qu’on trouve, ainsi que dans l’Inde, rimmortalité del’àme, et une autre vie heureuse ou malheureuse. C’est là qu’on voit ex- pressément un enfer. Zoroastre, dans les écrits que le Sadder a rédigés-, dit que Dieu lui fit voir cet enfer, et les peines réservées aux méchants, etc. »

Vous voyez bien, monsieur, que l’auteur n’a point dit: Zoroastre, dans les écrits conservés par Sadder. Vous concevez bien que le Sadder ne peut pas être un homme, mais un écrit. C’est ainsi qu’on dit : les choses annoncées par l’Ancien Testament, et prouvées par le Nouveau; la destruction de Troie négligée par Homère, et connue par l'Enéide; l’Iliade d’Homère abrégée par la traduction de Lamotte ; les Fables d’Ésope embellies par les Fables de La Fontaine.

Vous voulez parier, monsieur, que ce pauvre bon homme, que vous traitez un peu durement, n’a jamais lu le Sadder. Je lui ai montré aujourd’hui la petite correction que vous lui faites, et votre offre de lui gagner son argent. « Hélas! m’a-t-il dit, qu’il se garde bien de parier, il perdrait à coup sûr. Je me souviens

1. Tome XI, page 198 de la présente édition.

2. Dans l'édition de 1756, on lisait : « Zoroastre, dans les écrits conservés par Sadder. » La citation de Bigex est conforme au texte de 1761. Voltaire a encore corrigé ce passage, et mis : « Dans les écrits abrégés dans le Sadder. » ( B.)