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ton champ, au lieu de dîner ? Je vais te déférer comme un impie à monsieur le subdélégué, à monsieur le directeur des aides, à monseigneur l’intendant, et à monseigneur l’évêque. » Disant ces mots, il se met en devoir de briser mon semoir.

Alors saint Cucufin lui-même descendit du ciel dans une nuée éclatante, qui s’étendait de l’empyrée jusqu’au faubourg de Troyes ; un jaune d’œuf et de la bouillie ornaient encore sa barbe :

« Frère Ange, dit-il au gardien, calme ton saint zèle ; ne casse point le semoir de ce bon homme ; les pauvres manquent de pain dans ton pays ; il travaille pour les pauvres après avoir assisté à la sainte messe. C’est une bonne œuvre, j’en ai conféré avec saint Loup, patron de la ville ; va dire de ma part à monseigneur l’évêque qu’on ne peut mieux honorer les saints qu’en cultivant la terre. »

Le gardien obéit, et monseigneur s’adressa lui-même aux magistrats de la grande police pour faire enjoindre à nos concitoyens de labourer, ou semer, ou planter, ou provigner, ou palisser, ou tondre, ou vendanger, ou cuver, ou blanchir, au lieu d’aller boire au cabaret les jours de fêtes après la sainte messe.

Gloire à Dieu et à saint Cucufin.



fin de la canonisation de saint cucufin.