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DE SAINT GUCUFIN. 425

chancelier de L'Hospital, d'un culte de diilie, sans qu'il m'en coûte rien ; et que je n'achèterai jamais le paradis ni pour moi ni pour personne.

Quels ont été les premiers saints dans le christianisme? Des hommes charitables, des martyrs. Qui les fit révérer? Le consen- tement du peuple sans aucuns frais. Or je soutiens que Henri IV est un vrai martyr; il partait pour aller faire le bonheur de l'Eu- rope, lorsqu'il fut martyrisé par le fanatisme. Et quant au con- sentement du peuple, il est déjà tout obtenu : en voici la marque évidente. Le jour que l'évêque du Puy-en-Velay^ prononça dans Saint-Denis une oraison funèbre, ceux qui ne purent l'entendre, soit parce qu'ils étaient trop loin, soit parce qu'ils étaient durs d'oreille, se levèrent de leurs places, allèrent voir le tombeau de Henri IV. Ils se mirent à genoux, ils l'arrosèrent de leurs lar- mes, ils lui adressèrent des vœux attendrissants. Que manque-t-ii à une telle consécration? C'est celle des cœurs; c'est la voix de l'amour qui a parlé.

On veut aujourd'hui cent ans révolus pour faire un saint, afin de donner le temps de mourir à tous les témoins de ses sot- tises. Il y a plus de cent cinquante ans que Henri IV fut marty- risé. Mais que tous les objets et tous les témoins de ses faiblesses reparaissent, qu'ils déposent contre lui, je l'adorerai encore. Je dirai à Corisande- d'Andouin, à Charlotte des Essarts', à la belle Gabrielle, et à tant d'autres : « Oui, mesdames, il vous a caressées; mais il a sauvé la- France au combat d'Arqués, et à la bataille d'Ivry; il a été juste, clément, et bienfaisant; il a eu la bonté de Titus, et la valeur de César, Voilà mon saint. »

On me dira qu'il faut aussi des saintes; c'est à quoi je suis très-déterminé. Qui m'empêchera de mettre dans la gloire Mar- guerite d'Anjou \ laquelle donna douze batailles en personne contre les Anglais pour délivrer de prison son imbécile mari ?

��1. Lefranc de Pompignan : voyez tome XII, page 562. Cette circonstance a fourni à La Harpe la péroraison de son Éloge de Henri IV.

2. Ou Corisandre. (Cl.)

3. Charlotte des Essarts, selon l'ordre chronologique, paraît avoir été la vingt- fjuatriènie des maîtresses en titre du roi très-chrétien; et ce n'est pas la der- nière. Elle eut de Henri IV deux bâtardes, qui moururent abbesses, l'une de Fonte- vrault, et l'autre, de Chelles.

Quant à Gabrielle d'Estrées, quinzième maîtresse du roi, on lui a élevé une statue en 1820; et l'on peut dire, sans exagération, que la du Barry, mise à mort, en 1793, à cause de son dévouement pour une famille dont elle avait en quelque sorte fait partie, en méritait une mieux qu'elle. ( Cl.)

4. Femme de Henri VI, l'oi d'Angleterre ; voyez tome XII, pages 204 et suiv.

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