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412 RÉPONSE

l’instant. Voilà, monsieur, très-fidèlement ce qui est rapporté presque mot à mot dans les Actes sincères.

C’est ainsi que l’ex-jésuite Nonotte veut qu’on écrive l’histoire. Il ose crier à l’impiété contre les lecteurs pieux et sages qui, en vénérant les saints martyrs, n’adoptent pas des contes frivoles. Ce fourbe imbécile ignore quel tort font à la religion ces mensonges qu’on mêle avec la vérité. Il ignore dans quel siècle nous vivons : il ignore dans quel profond mépris sont les calomniateurs absurdes.

Croiriez-vous bien, monsieur, que, dans sa rage de calomnier et de nuire, il va jusqu’à prétendre qu’en traduisant quelques vers de Sophocle dans la tragédie d’Œdipe, que je composai il y a plus de cinquante ans, j’avais en vue les jésuites[1] ? Voyez la page 251 du second volume de ses Erreurs. Tel est le fanatisme : c’est un monstre sans cœur, sans yeux, et sans oreilles. Il ose se dire le fils de la religion, il se cache sous sa robe, et, dès qu’on veut le réprimer, il crie : Au secours, on égorge ma mère !

Vous serez bien plus surpris quand vous saurez que ce polisson a osé envoyer son recueil de calomnies au pape Clément XIII, qu’il a écrit plus de trente lettres à Rome, dans lesquelles il dit qu’il n’y a plus de religion en France, parce qu’on se moque publiquement à Besançon de l’ex-jésuite Nonotte, qui prêchait autrefois, et que les petits enfants courent après lui dans la rue.

Ce qui vous étonnera davantage, ce qui paraît hors de toute vraisemblance, mais qui n’en est pas moins vrai, c’est qu’après quatre mois de sollicitations il a obtenu enfin une espèce de bref du pape, signé par l’archevêque de Calcédoine.

Ce n’est pas à moi, c’est au parlement de Besançon[2] à voir s’il est permis à un ex-jésuite d’avoir à Rome une correspondance si directe et si suivie ; s’il est permis à un homme qui est par son état sous le glaive de la justice de s’intriguer dans les pays étrangers ; et si, de toutes les prérogatives qu’on lui a ôtées, il lui est resté celle de calomnier les officiers du roi de France auprès du pontife de Rome. La cour de Rome, plus sage que lui, ne lui a fait qu’une réponse vague. Mais, dans d’autres temps, sa dénonciation calomnieuse aurait eu des suites funestes.

Je prie seulement monseigneur l’archevêque de Calcédoine, s’il veut envoyer un second bref à Nonotte, de s’informer aupa-

  1. Il s’agit des vers d’Œdipe, acte IV, scène Ire :
    Nos prêtres ne sont pas, etc.
  2. Nonotte était de Besançon.