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398 L'A, B, C.

A.

En ce cas, nous sommes d'accord ; l'intelligence suprême a fait tout ce qu'il lui était possible de faire; et je persiste dans mon idée que tout ce qui n'est pas ne peut être.

C. Ainsi l'espace serait rempli de globes qui s'élèvent tous en perfection les uns au-dessus des autres : et nous avons nécessai- rement un des plus méchants lots. Cette imagination est belle ; mais elle n'est pas consolante.

B. Enfin vous pensez donc que de la puissance éternelle forma- trice, de l'intelligence universelle, en un mot, du grand Être, est sorti nécessairement de toute éternité tout ce qui existe?

A.

Jl me parait qu'il en est ainsi.

B.

Mais en ce cas le grand Être n'a donc pas été libre?

A.

Être libre, je vous l'ai dit cent fois dans d'autres entretiens S c'est pouvoir. Il a pu, et il a fait. Je ne conçois pas d'autre liberté. Vous savez que la liberté d'indifférence est un mot vide de sens.

B. En conscience êtes-vous bien sûr de votre système?

A.

Moi! je ne suis sûr de rien. Je crois qu'il y a un être intelli- gent, une puissance formatrice, un Dieu. Je tâtonne dans rol)s- curité sur tout le reste. J'affirme une idée aujourd'hui, j'en doute demain; après-demain je la nie; et je puis me tromper tous les jours. Tous les philosophes de bonne foi que j'ai vus m'ont avoué, quand ils étaient un peu en pointe de vin, que le grand Être ne leur a pas donné une portion d'évidence plus forte que la mienne.

Pensez-vous qu'Épicure vît toujours bien clairement sa décli- naison des atomes, que Descartes fût persuadé de sa matière striée? Croyez-moi, Leibnitz riait de ses monades et de son har-

1. Voyez tome XIX, page 197; XXV, iOT ; XXVI, 50, 93

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