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L'A, B, C. 395

mouvement a pu mettre ces six planètes principales dans leur ordre.

Prenez ensuite tous les astres secondaires, toutes leurs combi- naisons, tous leurs mouvements, tous les êtres qui végètent, qui vivent, qui sentent, qui pensent, qui agissent dans tous les globes, vous n'aurez qu'à augmenter le nombre des hasards ; multipliez ce nombre dans toute réternité, jusqu'au nombre que notre fai- blesse appelle infini, il y aura toujours une unité en faveur de la formation du monde, tel qu'il est par le seul mouvement : donc il est possible que, dans toute l'éternité, le seul mouvement de la matière ait produit l'univers entier tel qu'il existe. Voilà le rai- sonnement de ces messieurs.

À.

Pardon, mon cher ami C; cette supposition me paraît prodi- gieusement ridicule pour deux raisons : la première, c'est que, dans cet univers, il y a des êtres intelligents, et que vous ne sau- riez prouver qu'il soit possible que le seul mouvement produise l'entendement; la seconde, c'est que, de votre propre aven, il y a l'infini contre un à parier qu'une cause intelligente formatrice anime l'univers. Quand on est tout seul vis-à-vis l'infini, on est bien panvre^.

Encore une fois, Spinosa lui-même admet cette intelligence.

Pourquoi voulez-vous aller plus loin que lui, et plonger, par un

sot orgueil, votre faible raison dans un abîme où Spinosa n'a pas

osé descendre? Sentez-vous bien l'extrême folie de dire que c'est

une cause aveugle qui fait que le carré d'une révolution d'une

planète est toujours au carré des révolutions des autres planètes

comme la racine du cube de sa distance est à la racine cube des

distances des autres au centre commun? Mes amis, ou les astres

sont de grands géomètres, ou l'éternel géomètre a arrangé les

astres.

C.

Point d'injures, s'il vous plaît, Spinosa n'en disait point : il est plus aisé de dire des injures que des raisons. Je vous accorde une intelligence formatrice répandue dans ce monde; je veux bien dire avec Virgile (^f/i., VI, 727) :

31CI1S agitât molem et magno se corpore miscet.

1. Nous sommes encore ti'op peu au fait des choses de ce monde pour appli- quer le calcul des probabilités à cette question, et l'application de ce calcul aurait des difficultés que ceux qui ont voulu la tenter n'ont pas soupçonnées. (K.)

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