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L'A, B, C. 391

B. Cela peut se soutenir par voie d'hypotlièse. Tous les anciens philosophes ont cm la matière éternelle : or de la matière brute à la matière organisée il n'y a qu'un pas.

C. Les hypothèses sont fort amusantes ; elles sont sans consé- quence. Ce sont des songes que la Bible fait évanouir, car il en faut toujours revenir à la Bible.

A.

Sans doute, et nous pensons tous trois dans le fond, en l'an de grâce 1760, que, depuis la création du monde qui fut fait de rien, jusqu'au déluge universel fait avec de l'eau créée exprès, il se passa 1656 ans selon la Vulgate, 2309 ans selon le texte samaritain, et 2262 ans selon la traduction miraculeuse que nous a.mw\ons des Septante. Mais j'ai toujours été étonné qu'Adam et Eve, notre père et notre mère, Abel, Cain, Seth, n'aient été connus de personne au monde que de la petite horde juive, qui tint le cas secret jusqu'à ce que les Juifs d'Alexandrie s'avisassent, sous le premier et le second Ptolémée, de traduire fort mal en grec leurs rapsodies absolument inconnues jusque-là au reste de la terre.

Il est plaisant que nos titres de famille ne soient demeurés en dépôt que dans une seule branche de notre maison, et encore chez la plus méprisée ; tandis que les Chinois, les Indiens, les Persans, les Égyptiens, les Grecs et les Romains, n'avaient jamais entendu parler ni d'Adam ni d'Eve.

B. Il y a bien pis : c'est que Sanchoniathon, qui vivait incon- testablement avant le temps où l'on place Moïse, et qui a fait une Genèse à sa façon, comme tant d'autres auteurs, ne parle ni de cet Adam ni de cette Eve. Il nous donne des parents tout différents.

C.

Sur quoi jugez-vous, monsieur B, que Sanchoniathon vivait avant l'époque de Moïse ?

B.

C'est que, s'il avait été du temps de Moïse, ou après lui, il en aurait fait mention. Il écrivait dans Tyr, qui florissait très-long- temps avant que la horde juive eût acquis un coin de terre vers la Phénicie. La langue phénicienne était la mère-langue du pays;

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