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386 L'A, B, C.

A.

C'est mon pays, sans contredit, La preuve en est que, dans tous nos démêlés, nous vantons toujours notre heureuse conslilu- tion, et que, dans presque tous les autres royaumes, on en sou- haite une autre. Notre jurisprudence criminelle est équitable et n'est point barbare : nous avons aboli la torture, contre laquelle ]a voix de la nature s'élève en vain dans tant d'autres pays ; ce moyen affreux de faire périr un innocent faible, et de sauver un coupable robuste, a fini avec notre infâme chancelier Jeffreys, qui employait avec joie cet usage infernal sous le roi Jacques II.

Chaque accusé est jugé par ses pairs ; il n'est réputé coupable que quand ils sont d'accord sur le fait : c'est la loi seule qui le condamne sur le crime avéré, et non sur la sentence arbitraire des juges. La peine capitale est la simple mort, et non une mort accompagnée de tourments recherchés. Étendre un homme sur une croix de Saint-André, lui casser les bras et les cuisses, et le mettre en cet état sur un roue de carrosse, nous parait une bar- barie qui offense trop la nature humaine. Si, pour les crimes de haute trahison, on arrache encore le cœur du coupable après sa mort, c'est un ancien usage de cannibale, un appareil de terreur qui effraye le spectateur sans être douloureux pour l'exé- cuté. Nous n'ajoutons point de tourments à la mort ; on ne refuse point comme ailleurs un conseil à l'accusé ; on ne met point un témoin qui a porté trop légèrement son témoignage dans la né- cessité de mentir, en le punissant s'il se rétracte ; on ne fait point déposer les témoins en secret, ce serait en faire des délateurs ; la procédure est publique : les procès secrets n'ont été inventés que par la tyrannie.

Nous n'avons point l'imbécile barbarie de punir des indé- cences* du même supplice dont on punit les parricides. Cette cruauté, aussi sotte qu'abominable, est indigne de nous.

Dans le civil, c'est encore la seule loi qui juge ; il n'est pas permis de l'interpréter : ce serait abandonner la fortune des citoyens au caprice, à la faveur et à la haine.

Si la loi n'a pas pourvu au cas qui se présente, alors on se pourvoit à la cour d'cquité, par-devant le chancelier et ses asses- seurs ; et s'il s'agit d'une chose importante, on fait pour l'avenir une nouvelle loi en parlement, c'est-à-dire dans les états de la nation assemblée.

1. Allusion au supplice de La Barre; voyez la Relation, etc., tome XXV, page 501.

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