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L'A, B, C. 381

meurassent propres à la couronne quand les rois vivaient comme vous et moi du produit de leurs terres; mais aujourd'hui qu'ils ne vivent que de taxes et d'impôts, qu'importe qu'ils aient des do- maines ou qu'ils n'en aient pas ? Quand François I" manqua de parole à Charles-Quint son vainqueur, quand il viola fort à pro- pos le serment de lui rendre la Bourgogne, il se fit représenter par ses gens de loi que les Bourguignons étaient inaliénables; mais si Charles-Quint était venu lui faire des représentations con- traires à la tête d'une grande armée, les Bourguignons auraient été très-aliénés.

La Franche-Comté, dont la loi fondamentale était d'être libre sous la maison d'Autriche, tient aujourd'hui d'une manière intime et essentielle à la couronne de France. Les Suisses ont tenu es- sentiellement à l'empire, et tiennent aujourd'hui essentiellement à la liberté.

C'est cette liberté qui est la loi fondamentale de toutes les nations : c'est la seule loi contre laquelle rien ne peut prescrire, parce que c'est celle de la nature. Les Romains peuvent dire au pape : Notre loi fondamentale fut d'abord d'avoir un roi qui ré- gnait sur une lieue de pays; ensuite elle fut d'élire deux consuls, puis deux tribuns; puis notre loi fondamentale fut d'être mangés par un empereur, puis d'être mangés par des gens venus du Nord, puis d'être dans l'anarchie, puis de mourir de faim sous le gouvernement d'un prêtre. Nous revenons enfin à la véritable loi fondamentale, qui est d'être libres : allez-vous-en donner ail- leurs des indulgences in articulo mortis, et sortez du Capitole, qui n'était pas bâti pour vous.

B.

Amen !

C.

Il faut bien espérer que la chose arrivera quelque jour. Ce sera un beau spectacle pour nos petits-enfants,

A.

Plût à Dieu que les grands-pères en eussent la joie! C'est de

toutes les révolutions la plus aisée à faire; et cependant personne

n'y pense,

B.

C'est que, comme vous l'avez dits le caractère principal des hommes est d'être sots et poltrons. Les rats romains n'en savent pas encore assez pour attacher le grelot au cou du chat -,

1. Page 3G1,

2, La Fontaine, livre II, fable ii.

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