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L’A, B, C.



TREIZIÈME ENTRETIEN.
DES LOIS FONDAMENTALES.


B.

J’entends toujours parler de lois fondamentales ; mais y en a-t-il?

A.

Oui, il y a celle d’être juste; et jamais fondement ne fut plus souvent ébranlé,

C.

Je lisais, il n’y a pas longtemps, un de ces mauvais livres très-rares, que les curieux recherchent, comme les naturalistes amassent des fragments de substances animales ou végétales pétrifiés, s’imaginant par Là qu’ils découvriront le secret de la nature. Ce livre est d’un avocat de Paris, nommé Louis Dorléans, qui plaidait beaucoup contre Henri IV par-devant la Ligue, et qui heureusement perdit sa cause. Voici comme ce jurisconsulte s’exprime sur les lois fondamentales du royaume de France : « La loi fondamentale des Hébreux était que les lépreux ne pouvaient régner. Henri IV est hérétique : donc il est lépreux; donc il ne peut être roi de France par la loi fondamentale de l’Église. La loi veut qu’un roi de France soit chrétien comme mâle : qui ne tient la foi catholique, apostolique, et romaine, n’est point chré- tien, et ne croit point en Dieu; il ne peut pas plus être roi de France que le plus grand faquin du monde, etc. »[1]

  1. L’ouvrage de L. Dorléans, dont Voltaire a déjà parlé dans l’Essai sur les Blœiirs (voyez tome XII, page 545), est intitulé Réponse des vrais catholiques français à l’Avej’tissement des catholiques anglais pour Vexclusion du roi de Navarre de la couronne de France, 1588, in-S". Voici son texte :

    « Nous conclurons bientôt que nul, soit hérétique, juif, ou d’autre secte de religion, brief qui ne soit catholique, ne doit ni ne peut justement, non plus que le plus grand faquin et roturier du monde, être roi de France... » (Page 224.)

    « Si être lépreux (comme le roi Osias qui en fut déposé), si être hors de son sens humain, voire pour l’indisposition du corps, est une exclusion à toutes charges publiques et mesmes à la royauté, que sera-ce d’être forcené, hors de soi et contre le sens commun de Dieu et des lidèles, à l’occasion de l’indisposition causée par l’hérésie, qui est une furie beaucoup plus à fuir et dommageable, au jugement de saint Augustin et des saints Pères, experts en cela ; puisqu’au premier il n’y a à considérer ou craindre que l’inhabileté et incapacité à s’acquitter de sa charge; et au second non-seulement cela, mais une contrariété et opposition à ce qui est le principal devoir d’icelle? Car je ne pense pas qu’il y ait chrétien quelconque qui nie que la principale fin et charge d’un roi chré