Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/345

Cette page n’a pas encore été corrigée

L'A, B, C. 337

sans être marié; et il me paraît qu'il est plus raisonnable d'être damné pour un fratricide que pour une pomme.

A.

Ce ne peut être pour Gain, car il est dit^ que Dieu le proté- gea, et lui mit un signe, de peur qu'on ne le battît ou qu'on ne le tuât; il est dit même- qu'il fonda une ville dans le temps qu'il était encore presque seul sur la terre avec son père et sa mère, sa sœur, dont il fit sa femme, et avec un fils nommé Enoch. J'ai vu même un des plus ennuyeux livres, intitulé la Science du gou- vernement'^, par un sénéchal de Forcalquier nommé Real, qui fait dériver les lois de la ville bâtie par notre père Caïn.

Mais, quoi qu'il en soit, il est indubitable que les Juifs n'avaient jamais entendu parler du péché originel, ni de la damnation éter- nelle des petits enfants morts sans être circoncis. Les Saducéens, qui ne croyaient pas l'immortalité de l'âme, et les Pharisiens, qui croyaient la métempsycose, ne pouvaient pas admettre la damnation éternelle, quelque pente qu'aient les fanatiques à croire les contradictoires.

Jésus fut circoncis à huit jours, et baptisé étant adulte, selon la coutume de plusieurs Juifs, qui regardaient le baptême comme une purification des souillures de l'âme: c'était un ancien usage des peuples de l'Indus et du Gange, à qui les brachmanes avaient fait accroire que l'eau lave les péchés comme les vêtements. Jésus, en un mot, circoncis et baptisé, ne parle dans aucun Évangile du péché originel. Aucun apôtre ne dit que les petits enfants non baptisés seront brûlés à tout jamais pour la pomme d'Adam. Aucun des premiers Pères de l'Église n'avança cette cruelle chi- mère; et vous savez d'ailleurs qu'Adam, Eve, Abel, et Gain, n'ont jamais été connus que du petit peuple juif.

B. Qui a donc dit cela nettement le premier?

A. C'est l'Africain Augustin, homme d'ailleurs respectable, mais qui tord quelques passages de saint Paul pour en inférer, dans ses lettres à Évode et à Jérôme, que Dieu précipite du sein de leurs mères, dans les enfers, les enfants qui périssent dans leurs premiers jours. Lisez surtout le second livre de la revue de ses

1. Genèse, iv, 15.

2. Ibid.. IV, 17.

3. Cet ouvrage parut en 17Gi, 8 vol. in-i'\

'27. — MlÎLANGES. VI. 22

�� �