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326 L'A, B, C.

B. Dans le rang des ouvrages de génie qui font désirer la perfec- tion. Il me paraît un édifice mal fondé, et construit irrégulière- ment, dans lequel il y a beaucoup de Idéaux appartements vernis

et dorés.

A.

Je passerais volontiers quelques heures dans ces apparte- ments, mais je ne puis demeurer un moment dans ceux de Grotius : ils sont trop mal tournés, et les meubles trop à l'antique ; mais vous, comment trouvez-vous la maison que Hobbes a bâtie

en Angleterre?

B.

Elle a tout à fait Tair d'une prison, car il n'y loge guère que

des criminels et des esclaves. Il dit que l'homme est né ennemi

de rhomme, que le fondement de la société est l'assemblage de

tous contre tous ; il prétend que l'autorité seule fait les lois, que

la vtritè^ ne s'en mêle pas ; il ne distingue point la royauté de la

tyrannie. Chez lui la force fait tout : il y a bien quelque chose

de vrai dans quelques-unes de ces idées ; mais ses erreurs m'ont

si fort révolté que je ne voudrais ni être citoyen de sa ville

quand je lis son de Cive, ni être mangé par sa grosse bête de

Léviathan.

C.

Vous me paraissez, messieurs, fort peu contents "des livres que vous avez lus ; cependant vous en avez fait votre profit.

A.

Oui, nous prenons ce qui nous paraît bon depuis Aristote jusqu'à Locke, et nous nous moquons du reste.

C.

Je voudrais bien savoir quel est le résultat de toutes vos lectures et de vos réflexions.

A.

Très-peu de chose.

B.

N'importe ; essayons de nous rendre compte de ce peu que nous savons, sans verbiage, sans pédantisme, sans un sot asser- vissement aux tyrans des esprits et au vulgaire tyrannisé ; enfin avec toute la bonne foi de la raison.

i. Le mot de vérité est là employé assez mal à propos par Hobbes; il fallait aire justice. {Note de Voltaire.)

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