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L'A, B, C. 321

vécu, les motifs qui les ont établies, négligées, détruites, renou- velées : je n'ai malheureusement rencontré souvent que de l'esprit, des railleries, des imaginations et des erreurs.

Par quelle raison les Gaulois, asservis et dépouillés par les Romains, continuèrent-ils à vivre sous les lois romaines quand ils furent de nouveau subjugués et dépouillés par une horde de Francs? Quels furent bien précisément les lois et les usages de ces nouveaux brigands?

Quels droits s'arrogèrent les évéques gaulois quand les Francs furent les maîtres? N'eurent-ils pas quelquefois part à l'adminis- tration publique avant que le rebelle Pépin leur donnât place dans le parlement de la nation ?

Y eut-il des fiefs héréditaires avant Charlemagne? Une foule de questions pareilles se présentent à l'esprit. Montesquieu n'en résout aucune.

Quel fut ce tribunal abominable institué par Charlemagne en Vestphalie, tribunal de sang appelé le conseil veimique^, tribunal plus horrible encore que l'Inquisition, tribunal composé de juges inconnus, qui jugeait à mort sur le simple rapport de ses espions, et qui avait pour bourreau le plus jeune des conseillers de ce petit sénat d'assassins? Quoi! Montesquieu me parle des lois de Bantam, et il ne connaît pas les lois de Charlemagne, et il le prend pour un bon législateur!

Je cherchais^ un guide dans un chemin difficile : j'ai trouvé un compagnon de voyage qui n'était guère mieux instruit que moi; j'ai trouvé l'esprit de l'auteur, qui en a beaucoup, et rare- ment l'esprit des lois; il sautille plus qu'il ne marche; il brille plus qu'il n'éclaire; il satirise quelquefois plus qu'il ne juge; et il fait souhaiter qu'un si beau génie eût toujours plus cherché à instruire qu'à surprendre.

Ce livre très défectueux est plein de choses admirables dont on a fait de détestables copies. Enfin des fanatiques l'ont insulté par les endroits mêmes qui méritent les remerciements du genre humain.

Malgré ses défauts, cet ouvrage doit être toujours cher aux hommes, parce que l'auteur a dit sincèrement ce qu'il pense, au lieu que la plupart des écrivains de son pays, à commencer par

1. Voyez tome XI, page 261; XHI, 234, 4i5; XXV, 559.

2. Toutes les éditions portaient: « Je cherchais un fil dans ce labyrinthe; le fil est cassé presque à chaque article: j'ai trouvé, etc., » lorsqu'on 1818, d'après Yerrata manuscrit de Decroix, l'un des éditeurs de Kelil, je donnai le texte actuel. (B.)

27. — MÉLANGES. VI. 21

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