Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/323

Cette page n’a pas encore été corrigée

L'A, B, C. 315

n'en contiennent que deux ^ Il semble que l'auteur ait toujours voulu jouer avec son lecteur dans la matière la plus grave.

On ne croit pas lire un ouvrage sérieux lorsque, après avoir cité les lois grecques et romaines, il parle de celles de Bantam, de Cocliin, de Tunquin, d'Achem, de Bornéo, de Jacatra, de For- mose, comme s'il avait des mémoires fidèles du gouvernement de tous ces pays. Il mêle trop souvent le faux avec le vrai, en physique, en morale, en histoire : il vous dit-, d'après PufTen- dorf, que, du temps du roi Charles IX, il y avait vingt millions d'hommes en France. Puffendorf va même jusqu'à vingt-neuf millions : il parlait fort au hasard. On n'avait jamais fait en France de dénombrement ; on était trop ignorant alors pour soup- çonner seulement qu'on pût deviner le nombre des habitants par celui des naissances et des morts. La France n'avait point en ce temps la Lorraine, l'Alsace, la Franche-Comté, le Boussillon, l'Artois, le Cambrésis, la moitié de la Flandre ; et aujourd'hui qu'elle possède toutes ces provinces, il est prouvé qu'elle ne con- tient qu'environ vingt millions d'càmes tout au plus, par le dénom- brement des feux assez exactement donné en 1751 K

Le même auteur assure % sur la foi de Chardin, qu'il n'y a que le petit fleuve Cyrus qui soit navigable en Perse. Chardin n'a point fait cette bévue. Il dit au chapitre i, volume IP, a qu'il n'y a point de fleuve qui porte bateau dans le cœur .du royaume»; mais sans compter l'Euphrate, le Tigre, et l'Indus, toutes les pro- vinces frontières sont arrosées de fleuves qui contribuent à la facilité du commerce et à la fertilité de la terre ; le Zinderud traverse Ispahan; l'Agi se joint au Kur, etc. Et puis, quel rap- port l'Esprit des lois peut-il avoir avec les fleuves de la Perse ?

Les raisons qu'il apporte de l'établissement des grands empires en Asie, et de la multitude des petites puissances en Europe, sem- blent aussi fausses que ce qu'il dit des rivières de la Perse *'. « En Europe, dit-il, les grands empires n'ont jamais pu subsister; » la puissance romaine y a pourtant subsisté plus de cinq cents ans : et (( la cause, continue-t-il, de la durée de ces grands empires,

1. Voyez liv. VIII, ch. i, et xv ; et liv. XXV, ch. i.

2. Liv. XXXII, ch. xxiv.

3. Le dénombrement de 1751 ne donnait que vingt millions (voyez tome XX, p. 10); celui de 1827 en donne près de trente-deux, et celui de 1877, trente-sept.

4. Liv. XXIV, ch. xxvi.

5. L'édition de 1735 des Voyages de Chardin est divisée par chapitres, ainsi que celle qu'a donnée Langlès en 1811, dix volumes in-8° et atlas. Les premières éditions n'ont pas ces divisions.

6. Liv. XVII, ch. VI.

�� �