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314 L'A, B, C.

sées des vieux auteurs qui ont dit le pour et le contre, ce n'est pas penser. C'est ainsi qu'il se trompe très-grossièrement dans son livre de la Vérité du christianisme, en copiant les auteurs chré- tiens qui ont dit que les Juifs, leurs prédécesseurs, avaient ensei- gné le monde ; tandis que la petite nation juive n'avait elle-même jamais eu cette prétention insolente ; tandis que, renfermée dans les rochers de la Palestine et dans son ignorance, elle n'avait pas seulement reconnu Fimmortalité de Tàme, que tous ses voisins admettaient.

C'est ainsi qu'il prouve le christianisme par Hystaspe et par les sibylles, et l'aventure de la baleine qui avala Jonas par un passage de Lycophron. Le pédantisme et la justesse de l'esprit sont incompatibles.

Montesquieu n'est pas pédant; que pensez-vous de son Esijrit des lois ^ ?

��Il m'a fait un grand plaisir, parce qu'il y a beaucoup de plai- santeries, beaucoup de choses vraies, hardies et fortes, et des chapitres entiers dignes des Lettres persanes : le chapitre xxvii du livre XIX est un portrait de votre Angleterre, dessiné dans le goût de Paul Véronôse ; j'y vois des couleurs brillantes, de la facilité de pinceau, et quelques défauts de costume. Celui de l'Inquisition-, et celui des esclaves nègres ^ sont fort au-dessus de Callot. Par- tout il combat le despotisme, rend les gens de finance odieux, les courtisans méprisables, les moines ridicules : ainsi tout ce qui n'est ni moine, ni financier, ni employé dans le ministère, ni aspirant à l'être, a été charmé, et surtout en France.

Je suis fâché que ce livre soit un labyrinthe sans fil, et qu'il n'y ait aucune méthode. Je suis encore plus étonné qu'un homme qui écrit sur les lois dise dans sa préface « qu'on ne trouvera point de saillies dans son ouvrage^ » ; et il est encore plus étrange que son livre soit un recueil de saillies. C'est Michel Montaigne législateur : aussi était-il du pays de Michel Montaigne.

Je ne puis m'empôclier de rire en parcourant plus de cent chapitres qui ne contiennent pas douze lignes, et plusieurs qui

��1. Voyez tome XX, page 1, et. dans la Correspondance, la lettre à Linguet du 15 mars 1707.

2. Liv. XXV, chap. xui.

3. Liv. XV, chap. v.

4. Dans la préface de VEsprit des lois, il y a : « On ne trouvera point ici ces traits saillants qui semblent caractériser les ouvrages d'aujourd'hui. »

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