Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
ABSURDITÉ ET HORREUR.


blir le socinianisme ; vous dites que ces prêtres viennent tous les soirs souper chez lui, et qu’ils lui fournissent des arguments contre vos sottises. Vous en avez menti, mon révérend père : mentiris impudentissime, comme disait Pascal[1]. Les portes de cette ville sont fermées avant l’heure du souper. Jamais aucun prêtre de cette ville n’a soupé dans son château, qui en est à deux lieues ; il ne vit avec aucun, il n’en connaît aucun : c’est ce que vingt mille hommes peuvent attester.

Vous pensez que les parlements vous ont conservé le privilége de mentir, comme on dit que les galériens peuvent voler impunément.

Quelle rage vous pousse à insulter, par les plus plates impostures, un avocat du parlement de Paris, célèbre dans les lettres[2] ; et un des premiers savants de l’Europe, honoré des bienfaits d’une tête couronnée, qui par là s’est honorée à jamais[3] ; et un homme aussi illustre par ses bienfaits que par son esprit, dont la respectable épouse est parente du plus noble et du plus digne ministre qu’ait eu la France, et qui a des enfants dignes de son mari et d’elle[4] ?

Vous êtes assez lâche pour remuer les cendres de M. de Montesquieu, afin d’avoir occasion de parler de je ne sais quel brouillon de jésuite irlandais nommé Routh, qu’on fut obligé de chasser de sa chambre, où cet intrus s’établissait en député de la superstition, et pour se faire de fête, tandis que Montesquieu, environné de sages, mourait en sage : jésuite, vous insultez au mort, après qu’un jésuite a osé troubler la dernière heure du mourant ; et vous voulez que la postérité vous déteste, comme le siècle présent vous abhore depuis le Mexique jusqu’en Corse.

Crie encore : Dieu ! Dieu ! Dieu ! Tu ressembleras à ce prêtre irlandais qu’on allait pendre pour avoir volé un calice : « Voyez, disait-il, comme on traite les bons kétéliques qui sont venus en France pour la rlichion ! »

Chaque siècle, chaque nation a eu ses Garasses, C’est une chose incompréhensible que cette multitude de calomnies dévotement vomies dans l’Europe par des bouches infectées qui se disent sacrées ! C’est, après l’assassinat et le poison, le crime le plus grand, et c’est celui qui a été le plus commun.

FIN DU PYRRHONISME DE L’HISTOIRE.
  1. XVe lettre provinciale.
  2. M. Saurin. (K.)
  3. M. Diderot. (K.)
  4. M. Helvétius. (K.)