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BÉVUE ÉNORME DE CHINIAC.


La religion chrétienne a eu de faibles commencements, et tout le monde en convient. Un Juif de la lie du peuple, rien n’était plus vrai aux yeux des Juifs. Ils ne pouvaient deviner qu’il était né d’une vierge et du Saint-Esprit, et que Joseph, mari de sa mère, descendait du roi David. De plus, il n’y a point de lie aux yeux de Dieu ; devant lui tous les hommes sont égaux.

Douze fanatiques se répandent de l’orient jusqu’en Italie. Le terme de fanatique parmi nous est très-odieux, et ce serait une terrible impiété d’appeler de ce nom les apôtres ; mais si, dans la langue maternelle de l’auteur, ce terme ne veut dire que persuadé, zélé, nous n’avons aucun reproche à lui faire ; il nous paraît même très-vraisemblable qu’il n’a nulle intention d’outrager ces apôtres, puisqu’il compare les premiers chrétiens aux respectables stoïciens. En un mot, nous ne faisons point l’apologie de cet ouvrage ; et dès que notre saint père le pape, juge impartial de tous les livres, aura condamné celui-ci, nous ne manquerons pas de le condamner de cœur et de bouche.


CHAPITRE XXIX.
bévue énorme de chiniac.

Le prétendu Chiniac de La Bastide Duclaux a répondu que les paroles par lui citées se trouvent dans le Militaire philosophe, non pas précisément et mot à mot, mais dans le même sens. Ce Militaire philosophe[1] est, dit-on, du sieur Saint-Hyacinthe, qui fut cornette de dragons en 1685, et employé dans la fameuse dragonnade à la révocation de l’édit de Nantes. Mais examinons les paroles dans ce Militaire[2].

« Voici, après de mûres réflexions, le jugement que je porte de la religion chrétienne. Je la trouve absurde, extravagante, injurieuse à Dieu, pernicieuse aux hommes ; facilitant et même autorisant les rapines, les séductions, l’ambition, l’intérêt de ses ministres, et la révélation des secrets des familles ; je la vois comme une source intarissable de meurtres, de crimes, et d’atrocités commises sous son nom ; elle me semble un flambeau de discorde, de haine, de vengeance, et un masque dont se couvre l’hypocrisie pour tromper plus adroitement ceux dont la crédulité

  1. Naigeon était l’auteur du Militaire philosophe.
  2. Chap. IX, page 85 de la dernière édition. (Note de Voltaire.)