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DES DONATIONS DE CHARLEMAGNE.


CHAPITRE XXIII.
des donations de charlemagne.

Le bibliothécaire Anastase dit, plus de cent ans après, que l’on conserve à Rome la charte de cette donation. Mais si ce titre avait existé, pourquoi ne se trouve-t-il plus ? Il y a encore à Rome des chartes bien antérieures. On aurait gardé avec le plus grand soin un diplôme qui donnait une province. Il y a bien plus, cet Anastase n’a jamais probablement rien écrit de ce qu’on lui attribue : c’est ce qu’avouent Labbe et Cave. Il y a plus encore : on ne sait précisément quel était cet Anastase. Puis fiez-vous aux manuscrits qu’on a trouvés chez des moines.

Charlemagne, dit-on, pour surabondance de droit, fit une nouvelle donation en 774. Lorsque, poursuivant en Italie ses infortunés neveux, qu’il dépouilla de l’héritage de leur père, et ayant épousé une nouvelle femme, il renvoya durement à Didier, roi des Lombards, sa fille, qu’il répudia, il assiégea le roi son beau-père, et le fit prisonnier. On ne peut guère douter que Charlemagne, favorisé par les intrigues du pape Adrien dans cette conquête, ne lui eût concédé le domaine utile de quelques villes dans la Marche d’Ancône : c’est le sentiment de M. de Voltaire. Mais lorsque dans un acte on trouve des choses évidemment fausses, elles rendent le reste de l’acte un peu suspect.

Le même prétendu Anastase suppose que Charlemagne donna au pape la Corse, la Sardaigne, Parme, Mantoue, les duchés de Spolette et de Bénévent, la Sicile, et Venise, ce qui est d’une fausseté reconnue. Écoutons, sur ce mensonge, l’auteur de l’Essai sur les Mœurs, etc.[1]

« On pourrait mettre cette donation à côté de celle de Constantin. On ne voit point que jamais les papes aient possédé aucun de ces pays jusqu’au temps d’Innocent III. S’ils avaient eu l’exarchat, ils auraient été souverains de Ravenne et de Rome ; mais dans le testament de Charlemagne, qu’Éginhard nous a conservé, ce monarque nomme, à la tête des villes métropolitaines qui lui appartiennent, Rome et Ravenne, auxquelles il fait des présents. Il ne put donner ni la Sicile, ni la Corse, ni la Sardaigne, qu’il ne possédait pas ; ni le duché de Bénévent, dont il

  1. Voyez tome XI, page 264.