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CHAPITRE XXI.


s’approprier ni donner à d’autres cette province. Le Lombard s’engageait encore à rendre au saint-père quelques châteaux, quelques domaines autour de Rome, nommés alors les justices de saint Pierre, concédés à ses prédécesseurs par les empereurs leurs maîtres.

À peine Pepin est-il parti, après avoir pillé le Milanais et le Piémont, que le roi lombard vient se venger des Romains, qui avaient appelé les Francs en Italie. Il met le siége devant Rome ; Pepin accourt une seconde fois ; il se fait donner beaucoup d’argent, comme dans sa première invasion ; il impose même au Lombard un tribut annuel de douze mille écus d’or.

Mais quelle donation pouvait-il faire ? Si Pepin avait été mis en possession de l’exarchat comme séquestre, comment pouvait-il le donner au pape, en reconnaissant lui-même, par un traité solennel, que c’était le domaine de l’empereur ? Quel chaos, et quelles contradictions !


CHAPITRE XXI.
autres difficultés sur la donation de pepin aux papes.

On écrivait alors l’histoire avec si peu d’exactitude, on corrompait les manuscrits avec tant de hardiesse, que nous trouvons dans la vie de Charlemagne, faite par Éginhard son secrétaire, ces propres mots : « Pepin fut reconnu roi par l’ordre du pape ; jussu summi pontificis. » De deux choses l’une, ou l’on a falsifié le manuscrit d’Éginhard, ou cet Éginhard a dit un insigne mensonge. Aucun pape jusqu’alors ne s’était arrogé le droit de donner une ville, un village, un château ; aurait-il commencé tout d’un coup par donner le royaume de France ? Cette donation serait encore plus extraordinaire que celle d’une province entière qu’on prétend que Pepin donna au pape. Ils auraient l’un après l’autre fait des présents de ce qui ne leur appartenait point du tout. L’auteur italien qui écrivit en 1722, pour faire croire qu’originairement Parme et Plaisance avaient été concédés au saint-siége, comme une dépendance de l’exarchat[1], ne doute pas que les empereurs grecs ne fussent justement dépouillés de leurs droits sur

  1. Ce doit être l’ouvrage intitulé Istoria del dominio temporale della sede apostolica nel ducato di Parma e Piacenza ; Rome, 1720, in-folio. Voltaire revient sur ce sujet, tome XVIII, page 416 ; voyez aussi ci-dessus, page 194-195.