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DE THUCYDIDE.


terre, et de toutes les créatures des autres globes, ne s’occupait des révolutions de l’Asie, et qu’il n’envoyait lui-même tant de conquérants les uns après les autres qu’en considération du petit peuple juif, tantôt pour l’abaisser, tantôt pour le relever, toujours pour l’instruire, et que cette petite horde opiniâtre et rebelle était le centre et l’objet des révolutions de la terre.

Si le conquérant mémorable qu’on a nommé Cyrus se rend maître de Babylone, c’est uniquement pour donner à quelques Juifs la permission d’aller chez eux. Si Alexandre est vainqueur de Darius, c’est pour établir des fripiers juifs dans Alexandrie, Quand les Romains joignent la Syrie à leur vaste domination, et englobent le pays de Judée dans leur empire, c’est encore pour instruire les Juifs. Les Arabes et les Turcs ne sont venus que pour corriger ce peuple, Il faut avouer qu’il a eu une excellente éducation ; jamais on n’eut tant de précepteurs, et jamais on n’en profita si mal.

On serait aussi bien reçu à dire que Ferdinand et Isabelle ne réunirent les provinces d’Espagne que pour chasser une partie des Juifs, et pour brûler l’autre ; que les Hollandais n’ont secoué le joug du tyran Philippe II que pour avoir dix mille Juifs dans Amsterdam, et que Dieu n’a établi le chef visible de l’Église catholique au Vatican que pour y entretenir des synagogues moyennant finance. Nous savons bien que la Providence s’étend sur toute la terre ; mais c’est par cette raison-là même qu’elle n’est pas bornée à un seul peuple.


CHAPITRE VIII.
de thucydide.

Revenons aux Grecs[1]. Thucydide, successeur d’Hérodote, se borne à nous détailler l’histoire de la guerre du Péloponèse, pays qui n’est pas plus grand qu’une province de France ou d’Allemagne, mais qui a produit des hommes en tout genre dignes d’une réputation immortelle : et comme si la guerre civile, le plus horrible des fléaux, ajoutait un nouveau feu et de nouveaux ressorts à l’esprit humain, c’est dans ce temps que tous les arts florissaient en Grèce. C’est ainsi qu’ils commencent à se perfec-

  1. Toute la fin de ce chapitre avait paru, en 1765 dans l’Encyclopédie, tome VIII, au mot Histoire. Voyez la note, tome XIX, page 316.