Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/255

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
DE L’HISTOIRE D’HÉRODOTE.


ment quel roi régnait alors à Babylone : les uns disent Balthazar ; les autres, Anaboth. Hérodote fait tuer Cyrus dans une expédition contre les Massagètes. Xénophon, dans son roman moral et politique[1], le fait mourir dans son lit.

On ne sait autre chose, dans ces ténèbres de l’histoire, sinon qu’il y avait depuis très-longtemps de vastes empires et des tyrans, dont la puissance était fondée sur la misère publique ; que la tyrannie était parvenue jusqu’à dépouiller les hommes de leur virilité pour s’en servir à d’infâmes plaisirs au sortir de l’enfance, et pour les employer, dans leur vieillesse, à la garde des femmes ; que la superstition gouvernait les hommes ; qu’un songe était regardé comme un avis du ciel, et qu’il décidait de la paix et de la guerre, etc.

À mesure qu’Hérodote, dans son histoire, se rapproche de son temps, il est mieux instruit et plus vrai. Il faut avouer que l’histoire ne commence pour nous qu’aux entreprises des Perses contre les Grecs. On ne trouve, avant ces grands événements, que quelques récits vagues, enveloppés de contes puérils. Hérodote devient le modèle des historiens, quand il décrit ces prodigieux préparatifs de Xerxès pour aller subjuguer la Grèce, et ensuite l’Europe. Il exagère sans doute le nombre de ses soldats ; mais il les mène avec une exactitude géographique de Suse jusqu’à la ville d’Athènes. Il nous apprend comment étaient armés tant de peuples différents que ce monarque traînait après lui : aucun n’est oublié, du fond de l’Arabie et de l’Égypte jusqu’au delà de la Bactriane ; et de l’extrémité septentrionale de la mer Caspienne, pays alors habité par des peuples puissants, et aujourd’hui par des Tartares vagabonds. Toutes les nations, depuis le Bosphore de Thrace jusqu’au Gange, sont sous ses étendards.

On voit avec étonnement que ce prince possédait plus de terrain que n’en eut l’empire romain. Il avait tout ce qui appartient aujourd’hui au Grand Mogol en deçà du Gange, toute la Perse, et tout le pays des Usbecks, tout l’empire des Turcs, si vous en exceptez la Roumanie ; mais, en récompense, il possédait l’Arabie. On voit par l’étendue de ses États quel est le tort des déclamateurs en vers et en prose de traiter de fou Alexandre[2], vengeur de la Grèce, pour avoir subjugué l’empire de l’ennemi des Grecs. Il alla en Égypte, à Tyr, et dans l’Inde, mais il le devait ;

  1. La Cyropédie.
  2. Voyez l’article Alexandre, dans le Dictionnaire philosophique.