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CHAPITRE VI.


toire, il les enchanta par la nouveauté de cette entreprise, par le charme de sa diction, et surtout par les fables.


CHAPITRE VI.
de l’histoire d’hérodote.

[1]Presque tout ce qu’il raconte sur la foi des étrangers est fabuleux, mais tout ce qu’il a tu est vrai. On apprend de lui, par exemple, quelle extrême opulence et quelle splendeur régnaient dans l’Asie Mineure, aujourd’hui, dit-on, pauvre et dépeuplée. Il a vu à Delphes les présents d’or prodigieux que les rois de Lydie avaient envoyés au temple, et il parle à des auditeurs qui connaissaient Delphes comme lui. Or quel espace de temps a dû s’écouler avant que les rois de Lydie eussent pu amasser assez de trésors superflus pour faire des présents si considérables à un temple étranger !

Mais quand Hérodote rapporte les contes qu’il a entendus, son livre n’est plus qu’un roman qui ressemble aux fables milésiennes.

C’est un Candaule qui montre sa femme toute nue à son ami Gygès ; c’est cette femme qui, par modestie, ne laisse à Gygès que le choix de tuer son mari, d’épouser la veuve, ou de périr.

C’est un oracle de Delphes qui devine que, dans le même temps qu’il parle, Crésus, à cent lieues de là, fait cuire une tortue dans un plat d’airain.

[2]C’est dommage que Rollin, d’ailleurs estimable, répète tous les contes de cette espèce. Il admire la science de l’oracle et la véracité d’Apollon, ainsi que la pudeur de la femme du roi Candaule ; et, à ce sujet, il propose à la police d’empêcher les jeunes gens de se baigner dans la rivière. Le temps est si cher, et l’histoire si immense, qu’il faut épargner aux lecteurs de telles fables et de telles moralités.

L’histoire de Cyrus est toute défigurée par des traditions fabuleuses. Il y a grande apparence que ce Kiro ou Cosrou, qu’on nomme Cyrus, à la tête des peuples guerriers d’Élam, conquit en effet Babylone amollie par les délices. Mais on ne sait pas seule-

  1. Ce chapitre faisait aussi, dans l’Encyclopédie, partie de l’article Histoire.
  2. Dans l’Encyclopédie, en 1765, il y avait : « Rollin, qui répète tous les contes de cette espèce, admire la science, etc. »