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CHAPITRE IV.


que des événements sans aucune instruction, et même beaucoup de crimes, il ne paraissait pas digne de l’Être éternel d’écrire ces événements et ces crimes. Mais nous sommes bien loin de vouloir descendre dans cet abîme théologique : nous respectons, comme nous le devons, sans examen, tout ce que la synagogue et l’Église chrétienne ont respecté.

Qu’il nous soit seulement permis de demander pourquoi les Juifs, qui avaient une si grande horreur pour les Égyptiens, prirent pourtant toutes les coutumes égyptiennes : la circoncision, les ablutions, les jeûnes, les robes de lin, le bouc émissaire, la vache rousse, le serpent d’airain, et cent autres usages ?

Quelle langue parlaient-ils dans le désert ? Il est dit au psaume LXXX[1], qu’ils n’entendirent pas l’idiome qu’on parlait au delà de la mer Rouge. Leur langage, au sortir de l’Égypte, était-il égyptien ? Mais pourquoi ne retrouve-t-on, dans les caractères dont ils se servent, aucune trace des caractères d’Égypte ? Pourquoi aucun mot égyptien dans leur patois mêlé de tyrien, d’azotien, et de syriaque corrompu ?

Quel était le pharaon sous lequel ils s’enfuirent ? Était-ce l’Éthiopien Actisan[2], dont il est dit dans Diodore de Sicile qu’il bannit une troupe de voleurs vers le mont Sina, après leur avoir fait couper le nez ?

Quel prince régnait à Tyr lorsque les Juifs entrèrent dans le pays de Chanaan ? Le pays de Tyr et de Sidon était-il alors une république ou une monarchie ?

D’où vient que Sanchoniathon, qui était de Phénicie, ne parle point des Hébreux ? S’il en avait parlé, Eusèbe, qui rapporte des pages entières de Sanchoniathon, n’aurait-il pas fait valoir un si glorieux témoignage en faveur de la nation hébraïque ?

Pourquoi, ni dans les monuments qui nous restent de l’Égypte, ni dans le Shasta et dans le Veidam des Indiens, ni dans les Cinq Kings des Chinois, ni dans les lois de Zoroastre, ni dans aucun ancien auteur grec, ne trouve-t-on aucun des noms des premiers patriarches juifs, qui sont la source du genre humain ?

Comment Noé, le restaurateur de la race des hommes, dont

  1. Vers. 6. (Note de Voltaire.)
  2. L’édition originale et les diverses réimpressions faites jusqu’à l’édition de Beuchot portent Catisan. Beuchot corrigea cette faute typographique. En citant le passage, en 1771, dans les Questions sur l’Encyclopédie, l’auteur écrivit Actisan. Il avait aussi écrit Actisan dans la Défense de mon oncle (voyez tome XXVI, page 423). Il a écrit Actisanès dans le chapitre XIV de Dieu et les Hommes ; voyez plus loin. Dans Diodore de Sicile, I, IX, on lit Actisanes.