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DÉCLARATION[1]


J’ai appris, dans ma retraite, qu’on avait inséré dans la Gazette d’Utrecht, du 11 mars 1768, des calomnies contre M. de La Harpe, jeune homme plein de mérite, déjà célèbre par la tragédie de Warwick, et par plusieurs prix remportés à l’Académie française avec l’approbation du public[2]. C’est sans doute ce mérite-là même

  1. Cette déclaration, imprimée en 1768 dans le Mercure, avril, II, 148, et dans d’autres journaux, a été quelquefois admise dans la Correspondance, comme lettre adressée à P. Rousseau. (B.)
  2. Voici ce qu’on lit dans la Gazette d’Utrecht, du 18 mars 1768, à l’article Paris, qui est daté du 11 mars :

    « M. de Voltaire, qui avait recueilli chez lui M. de La Harpe et son épouse, vient de leur interdire pour toujours sa maison, en les congédiant, et ils se trouvent actuellement ici, au grand étonnement de tous ceux qui les connaissent. On dit que le jeune poëte, qui n’a jamais su se concilier l’amitié de personne, s’est attiré sa disgrâce pour avoir abusé de la confiance de son bienfaiteur en lui enlevant furtivement différents manuscrits précieux. Quelle que soit la cause de cette aventure, les effets en sont très-funestes à M. de La Harpe : car elle lui fait perdre une honnête subsistance : l’assurance d’une pension de six mille livres après la mort de son protecteur ; l’avantage d’être à portée de consulter le dieu des muses ; l’agrément, lorsqu’il venait à Paris, de se voir rendre des hommages par beaucoup de gens qui respectaient en lui les bienfaits de M. de Voltaire ; en un mot, ce jeune auteur perd le plus solide point d’appui de sa réputation dans la littérature. Au reste, on a peut-être l’obligation au larcin littéraire de M. de La Harpe de certaines brochures qui excitent la vigilance de la police, et que le public recherche avec tant d’avidité, comme l’Homme aux quarante écus, où M. de Voltaire se moque fort plaisamment de plusieurs écrits qui ont paru sur les finances, les impôts, et l’agriculture : le Catéchumène, qui ne contient que des impiétés ; le Sermon, qu’il suppose avoir été prêché à Bâle, le 1er janvier 1768, par Josias Rossette, ministre du saint Évangile, dans lequel il montre les avantages de la tolérance universelle, et foudroie tout ce qui tend au fanatisme de parti qui a occasionné des maux infinis à l’humanité ; une Lettre de l’archevêque de Cantorbéry à milord de Beaumont, archevêque de Paris, sur son mandement contre Bélisaire. Il est sorti de ce fécond génie une multitude d’autres écrits l’année dernière, et cependant il doit encore donner incessamment un roman en deux volumes, intitulé la Reine de Babylone. »

    La même Gazette d’Utrecht, du 5 avril, contient ce qui suit : « On sait à présent que tout ce qui s’est dit au sujet de M. de La Harpe et de son départ de Ferney n’avait aucun fondement. Nos correspondants, mieux instruits, nous assurent qu’il est absolument faux qu’il ait répandu dans le public aucun des ouvrages