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DU PASTEUR BOURN.

paix[1] ; qu’il est venu pour diviser le père et le fils, le mari et la femme, et pour mettre la discorde dans les familles. Il n’aurait point prononcé le funeste contrains-les d’entrer[2], dont on a tant abusé ; il n’aurait point privé un marchand forain du prix de deux mille cochons, qui était une somme considérable, et n’aurait pas envoyé le diable dans le corps de ces cochons pour les noyer dans le lac de Génézareth[3] ; il n’aurait pas séché le figuier[4] d’un pauvre homme, pour n’avoir pas porté des figues quand ce n’était pas le temps des figues ; il n’aurait pas, dans ses paraboles, enseigné qu’un maître agit justement quand il charge de fers son esclave, pour n’avoir pas fait profiter son argent à l’usure de cinq cents pour cent.

Nos ennemis continuent leurs objections effrayantes en disant que les apôtres ont été plus impitoyables que leur maître ; que leur première opération fut de se faire apporter tout l’argent des frères[5] et que Pierre fit mourir Ananias et sa femme pour n’avoir pas tout apporté. Si Pierre, disent-ils, les fit mourir de son autorité privée, parce qu’il n’avait pu avoir tout leur argent, il méritait d’être roué en place publique ; si Pierre pria Dieu de les faire mourir, il méritait que Dieu le punît ; si Dieu seul ordonna leur mort, heureusement il prononce très-rarement de ces jugements terribles, qui dégoûteraient de faire l’aumône.

Je passe sous silence toutes les objections des incrédules, tant sur la morale et la doctrine de Jésus que sur tous les événements de sa vie diversement rapportés. Il faudrait vingt volumes pour réfuter tout ce qu’on nous objecte ; et une religion qui aurait besoin d’une si longue apologie ne pourrait être la vraie religion. Elle doit entrer dans le cœur de tous les hommes comme la lumière dans les yeux, sans effort, sans peine, sans pouvoir laisser le moindre doute sur la clarté de cette lumière. Je ne suis pas venu ici pour disputer, je suis venu pour m’édifier avec vous.

Que d’autres saisissent tout ce qu’ils ont pu trouver dans les Évangiles, dans les Actes des apôtres, dans les Épîtres de Paul, de contraire aux notions communes, aux clartés de la raison, aux règles ordinaires du sens commun ; je les laisserai triompher sur des miracles qui ne paraissent pas nécessaires à leur faible entendement, comme celui de l’eau changée en vin[6] à des noces en faveur de convives déjà ivres, celui de la transfiguration[7], celui

  1. Matth., x, 34, 35.
  2. Luc, xiv, 23.
  3. Matth., viii, 32 ; Marc, v, 13.
  4. Matth., xi, 19 ; Marc, xi, 13.
  5. Actes, iv, 35, et v.
  6. Jean, ii, 9.
  7. Matth., xvii, 2 ; Marc, xi, 1.