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DU PASTEUR BOURN.

nous ne rendons pas plus la vue aux aveugles que le chevalier Taylor ; mais nous adorons Dieu, nous le bénissons, nous suivons la loi qu’il nous a donnée lui-même par la bouche de Jésus en Galilée. Cette loi est simple, parce qu’elle est divine : Tu aimeras Dieu et ton prochain[1]. Jésus n’a jamais recommandé autre chose. Ce peu de paroles comprend tout ; elles sont si divines que toutes les nations les entendirent dans tous les temps, et qu’elles furent gravées dans tous les cœurs. Les passions les plus funestes ne purent jamais les effacer. Zoroastre chez les Persans, Thaut chez les Égyptiens, Brama chez les Indiens, Orphée chez les Grecs, criaient aux hommes : Aimez Dieu et le prochain. Cette loi, observée, eût fait le bonheur de la terre entière.

Jésus ne vous a pas dit : « Le diable chassé du ciel, et plongé dans l’enfer, en sortit malgré Dieu pour se déguiser en serpent, et pour venir persuader une femme de manger du fruit de l’arbre de la science. Les enfants de cette femme ont été en conséquence coupables en naissant du plus horrible crime, et punis à jamais dans des flammes éternelles, tandis que leurs corps sont pourris sur la terre. Je suis venu pour racheter des flammes ceux qui naîtront après moi ; et cependant je ne rachèterai que ceux à qui j’aurai donné une grâce efficace, qui peut n’être point efficace. » Cet épouvantable galimatias, mes frères, ne se trouve heureusement dans aucun Évangile ; mais vous y trouvez qu’il faut aimer Dieu et son prochain.

Quand toutes les langues de feu[2] qui descendirent sur le galetas où étaient les disciples auraient parlé, quand elles descendraient pour parler encore, elles ne pourraient annoncer une doctrine plus humaine à la fois et plus céleste.

Jésus adorait Dieu et aimait son prochain en Galilée ; adorons Dieu et aimons notre prochain à Londres.

Les Juifs nous disent : Jésus était Juif ; il fut présenté au temple comme Juif ; circoncis comme Juif ; baptisé comme Juif par le Juif Jean, qui baptisait les Juifs selon l’ancien rite juif ; et par une œuvre de surérogation juive, il payait le korban juif ; il allait au temple juif ; il judaïsa toujours ; il accomplit toutes les cérémonies juives. S’il accabla les prêtres juifs d’injures, parce qu’ils étaient des prévaricateurs scélérats, pétris d’orgueil et d’avarice, il n’en fut que meilleur Juif. Si la vengeance des prêtres le fit mourir, il mourut Juif. Ô chrétiens ! soyez donc Juifs.

  1. Matth., XXII, 37, 39 ; Marc, XII, 30, 31 ; Luc, X, 27.
  2. Actes, II, 3.