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HOMÉLIE

Dieu ferma-t-il les yeux à tous les hommes qui ne virent rien de ce qui devait être vu d’un million de spectateurs ? Comment Dieu a-t-il permis que les récits des chrétiens fussent obscurs, inconnus pendant plus de deux cents années, tandis que ces prodiges, dont eux seuls parlent, avaient été si publics ? Pourquoi le nom même d’Évangile n’a-t-il été connu d’aucun auteur grec ou romain ? Toutes ces questions, qui ont enfanté tant de volumes, nous détourneraient de notre but unique : celui de connaître la doctrine et la morale de Jésus, qui doit être la nôtre.

Quelle est la doctrine prêchée le jour de la Pentecôte ?

Que Dieu a rendu Jésus célèbre, et lui a donné son approbation[1] ;

Qu’il a été supplicié[2] ;

Que Dieu l’a ressuscité et l’a tiré de l’enfer ; c’est-à-dire, si l’on veut, de la fosse[3] ;

Qu’il a été élevé par la puissance de Dieu, et que Dieu a envoyé ensuite son Saint-Esprit[4].

C’est ainsi que Pierre s’explique à cent mille Juifs obstinés, et il en convertit huit mille en deux sermons, tandis que nous autres nous n’en pouvons pas convertir huit en mille années.

Il est donc incontestable, mes frères, que la première fois que les apôtres parlent de Jésus, ils en parlent comme de l’envoyé de Dieu, supplicié par les hommes, élevé en grâce devant Dieu, glorifié par Dieu même. Saint Paul n’en parle jamais autrement. Voilà, sans contredit, le christianisme primitif, le christianisme véritable. Vous ne verrez, comme je vous l’ai déjà dit dans mes autres discours[5], ni dans aucun Évangile, ni dans les Actes des apôtres, que Jésus eût deux natures et deux volontés ; que Marie fût mère de Dieu ; que le Saint-Esprit procède du Père et du Fils ; qu’il établit sept sacrements ; qu’il ordonna qu’on adorât des reliques et des images. Tout ce vaste amas de controverses était entièrement ignoré. Il est constant que les premiers chrétiens se bornaient à adorer Dieu par Jésus, à exorciser les possédés par Jésus, à chasser les diables par Jésus, à guérir les malades par Jésus.

Nous ne chassons plus les diables, mes frères ; nous ne guérissons pas plus les maladies mortelles que ne font les médecins ;

  1. Actes, chap. II, vers. 22. (Note de Voltaire.)
  2. Vers. 23. (Id.)
  3. Vers. 24. (Id.)
  4. Vers. 33. (Id.)
  5. Voyez Profession de foi des théistes, ci-dessus, page 70.