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224 LES COLIMAÇONS.

des langues de poisson! J'ai marché sur cent cornes d'Ammon de cent grandeurs différentes, et j'ai toujours été surpris qu'on n'ait pas voulu permettre à la terre de produire ces pierres, elle qui produit des blés et des fruits plus admirables, sans doute, que des pierres en volutes.

Mais on aime les systèmes; et depuis que Palissy a cru que les mines calcaires de Touraine étaient des couches de péton- cles, de glands de mer, de buccins, de phollades, cent natura- listes l'ont répété. On s'intéresse à un système qui fait remonter les choses à des milliers de siècles. Le monde est vieux, d'accord ; mais a-t-on besoin de cette preuve pour réformer la chronologie? Combien d'auteurs ont répété qu'on avait trouvé une ancre de vaisseau sur la cime d'une montagne de Suisse, et un vaisseau entier à 100 pieds sous terre! Telliamed triomphe sur cette belle découverte. On a vu un vaisseau dans les abîmes de la Suisse en 1460 : donc on naviguait autrefois sur le Saint-Bernard et sur le Saint-Gothard ; donc la mer a couvert autrefois tout le globe ; donc alors le monde n'a été peuplé que de poissons; donc, lors- que les eaux se sont retirées et ont laissé le terrain à sec, les poissons se sont changés en hommes! Cela est fort beau; mais j'ai de la peine à croire que je descende d'une morue.

Si l'on veut du merveilleux, il en est assez sans le chercher dans de telles hypothèses. Les huîtres, les pucerons, qui produisent leurs semblables sans s'accoupler ; les simples vers de terre, qui reproduisent leurs queues ; les limaçons, auxquels il revient des têtes, sont des objets assez dignes delà curiosité d'un philosophe.

1 Cet animal, à qui je a iens de couper la tête, est-il encore animé? Oui, sans doute, puisque l'escargot remue et montre son cou, puisqu'il vit, qu'il l'étend, et que, dès qu'on y touche, il le resserre.

Cet animal a-t-il des sensations avant que sa tête soit reve- nue? Je dois le croire, puisqu'il remue le cou, qu'il l'étend, et que, dès qu'on y touche, il le resserre.

Peut-on avoir des sensations sans avoir au moins quelque idée confuse? Je ne le crois pas : car toute sensation est plaisir ou douleur, et on a la perception de cette douleur et de ce plaisir ; autrement, ce serait ne pas sentir.

l. Ce qui suit, jusques et compris les mots latins In Deo vivimus, movemur, et sumus, faisait, dans les Questions sur l'Encyclopédie, le commencement de la seconde section d'un article Colimaçons. Le reste de cette seconde section se com- posait de la fin du morceau ci-après, intitulé liéllexions de l'éditeur, depuis les mots Qui me dira, etc. Voyez la note, tome XVIII, page 20 i.

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