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LES
DROITS DES HOMMES
ET
LES USURPATIONS DES PAPES[1].




i. — un prêtre de christ doit-il être souverain ?

Pour connaître les droits du genre humain, on n’a pas besoin de citations. Les temps sont passés où des Grotius et des Puffendorf cherchaient le tien et le mien dans Aristote et dans saint Jérôme, et prodiguaient les contradictions et l’ennui pour connaître le juste et l’injuste. Il faut aller au fait.

Un territoire dépend-il d’un autre territoire ? Y a-t-il quelque loi physique qui fasse couler l’Euphrate au gré de la Chine ou des Indes ? Non, sans doute. Y a-t-il quelque notion métaphysique qui soumette une île Moluque à un marais formé par le Rhin et la Meuse[2] ? il n’y a pas d’apparence. Une loi morale ? pas davantage.

D’où vient que Gibraltar, dans la Méditerranée, appartint autrefois aux Maures, et qu’il est aujourd’hui aux Anglais, qui

  1. Le ministère français, pour justifier l’occupation d’Avignon, avait fait imprimer les Recherches historiques concernant les droits du pape sur la ville et l’État d’Avignon, avec pièces justificatives, par C.-F. Pfeffel ; 1768, in-8o. Ce fut peut-être ce qui donna à Voltaire l’idée de composer son ouvrage, dont les Mémoires secrets parlent à la date du 9 octobre 1768. Il était alors intitulé les Droits des hommes et les Usurpations des autres, traduit de l’italien, in-8o de 48 pages. Une autre édition de 1768, qui n’a que 47 pages, porte de plus ces mots : par l’auteur de l’Homme aux quarante écus. Dans sa lettre à Mme du Deffant, du 6 janvier 1769, Voltaire l’intitule les Droits des uns et les Usurpations des autres. Ce n’était pas là toute sa pensée, qu’il ne cache plus dans sa lettre à Frédéric, du 18 octobre 1771. D’après cette lettre on ne peut pas, ce me semble, hésiter à rétablir le titre tel que je le donne. Pour la commodité des lecteurs, j’ai numéroté les paragraphes. (B.)
  2. La Hollande.