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les uns jettent des œufs, les autres sont vivipares, ceux-ci n’ont qu’un sexe, ceux-là en ont deux, plusieurs engendrent sans copulation.

Quo teneam vultus mutantem Protea nodo?
(Hor., lib., I, ep. I, 90.)

La race des nègres n’est-elle pas absolument différente de la nôtre ? Il y a encore des ignorants qui impriment que des nègres et des négresses, transportés dans nos climats, engendrent des blancs. Il n’y a rien de plus faux, et tous nos colons d’Amérique qui ont des nègres sont témoins du contraire.

Comment peut-on imprimer encore aujourd’hui que les noirs sont une race de blancs noircie par le climat, tandis qu’on sait que, sous le même climat, il n’y avait aucun noir en Amérique lorsqu’elle fut découverte, tandis qu’il n’y a de nègres que ceux qu’on y a transplantés d’Afrique, tandis que ces nègres engendrent toujours des nègres comme eux ? La maladie des systèmes peut-elle troubler l’esprit au point de faire dire qu’un Suédois et un Nubien sont de la même espèce, lorsqu’on a sous les yeux le reticulum mucosum des nègres, qui est absolument noir, et qui est la cause évidente de leur noirceur inhérente et spécifique ? Je sais que, dans la même carrière, on trouve du marbre noir et du marbre blanc ; mais certainement le blanc n’a pas produit le noir, et les races nègres ne viennent pas plus de races blanches que l’ébène ne vient d’un orme, et que les mûres ne viennent des abricots.

Le compilateur du Journal économique^, qui n’est jamais sorti de la rue Saint-Jacques, me dit, d’un ton de maître, que les Caraïbes n’étaient point rouges ; que les mères se plaisaient seulement à teindre en rouge leurs enfants. Et voilà mes voisins qui arrivent de la Guadeloupe, et qui me donnent une attestation « qu’il y a encore cinq à six familles caraïbes dans l’anse Bertrand ; leur peau est de la couleur de notre cuivre rouge ; ils sont bien faits, ils ont de longs cheveux et point de barbe ».

Ils ne sont pas les seuls peuples de cette couleur. J’ai parlé à l’Indien insulaire qui vint en France demander justice, vers l’an 1720, au conseil du roi, contre M. Hébert, ci-devant gouverneur de Pondichéry, et qui l’obtint. Il était rouge, et d’ailleurs un très-bel homme.

Maillet a raison quelquefois. Il avait beaucoup vu et beau-

1. Boudet; voyez tome XXI, page 330; et XXVI, 403.