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La manière dont se forment nos cheveux et nos ongles nous est aussi inconnue que la manière dont nous avons des idées. Le plus vil excrément confond tous les philosophes.

Winslow et Lemery entassent mémoires sur mémoires touchant la génération des mulets ; les savants se partagent : l’âne, fier et tranquille, sans se mêler de la dispute, suhjugue cependant sa cavale, qui lui donne un heau mulet. La nature agit, et nous disputons,

M. Ulloa^ si célèbre par les services qu’il a rendus à la physique, et par l’Histoire philosophique de ses voyages, assure que, dans un canton de l’Amérique méridionale, il a vu plusieurs fois, observé, mangé des écrevisses, qui toutes étaient constamment plus charnues dans la pleine lune, et plus chétives dans les quadratures. Il a vu et employé de gros roseaux qui éprouvaient les mêmes influences, étant plus nourris d’eau quand la lune était dans son plein que dans le temps du croissant et du décours. Il eût été à souhaiter qu’il eût donné plus de détails de ces étonnantes singularités. Ni les écrevisses ni les roseaux de nos climats ne subissent de pareils changements. Pourquoi la lune agirait-elle sur les écrevisses du Pérou, et négligerait-elle celles de notre continent ? Pourquoi ne serait-ce que dans un seul canton du Pérou que les roseaux et les écrevisses seraient soumis à l’empire de la lune ? Je ferais un trop gros livre, si je voulais détailler tout ce que je n’ai jamais pu comprendre.


CHAPITRE XXXVI.


DES MONSTRES ET DES RACES DIVERSES.


On ne s’accorde point sur l’origine des monstres. Comment s’accorderait-on, puisqu’on ne convient pas encore de la formation des animaux réguliers ?

Natura est sibi semper consona, dit Newton ; la nature est partout semblable à elle-même. Oui, les corps tendent vers le centre en tout pays : le feu brûlera partout ; mais la nature agit très-différemment dans les générations, puisque, parmi les animaux.

1. Antoine de Ulloa, né à Séville en 1746, est mort à l'ile de Léon le 3 juillet 1795. (B.) — Ulloa, collègue de Bouguer, dans le voyage en Amérique pour la mesure d’un arc de méridien, a donné son nom à l’explication d’un cercle lumineux blanc qu’on voit dans certains cas. (D,)