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DE L'AIR. 177

Allez à Frescati : ce n'est plus le même terrain, ce ne sont plus les mêmes exhalaisons. Mais pourquoi l'élément supposé de l'air changerait-il de nature à Frescati ? Il se chargera, dit-on, dans la campagne de Rome, de ces exhalaisons funestes; et n'en trou- vant pas à Frescati, il deviendra plus salutaire. Mais, encore une fois, puisque ces exhalaisons existent, puisqu'on les voit visible- ment s'élever le soir en nuages, quelle nécessité de les attribuer à une autre cause? Elles montent dans l'atmosphère, elles s'y dissipent, elles changent de forme; le vent dont elles sont la première cause les emporte, les sépare; elles s'atténuent; elles deviennent salutaires de mortelles qu'elles étaient.

Une autre objection, c'est que ces vapeurs, ces exhalaisons renfermées dans un vase de verre, s'attachent aux parois et tom- bent : ce qui n'arrive jamais à l'air. Mais qui vous a dit que, si les exhalaisons humides tombent au fond de ce cristal, il n'y a pas incomparablement plus de vapeurs sèches et élastiques qui se soutiennent dans l'intérieur de ce vase? L'air, dites-vous, est purifié après une pluie. Mais nous sommes en droit de vous soutenir que ce sont les exhalaisons terrestres qui se sont puri- fiées ; que les plus grossières, les plus aqueuses, rendues à la terre, laissent les plus sèches et les plus fines au-dessus de nos têtes, et que c'est cette ascension et cette descente alternative qui entretient le jeu continuel de la nature.

Voilà une partie des raisons qu'on peut alléguer en faveur de l'opinion que l'élément de l'air n'existe pas. Il y en a de très-spé- cieuses, et qui peuvent au moins faire naître des doutes ; mais ces doutes céderont toujours à l'opinion commune, qui paraît établie sur des principes supérieurs à ceux qui n'admettent au lieu d'air que les exhalaisons du globes

��1 . Il s'élève de la terre deux espèces de vapeurs : les unes ne se soutiennent que parce qu'elles sont dissoutes dans l'air ; les autres sont l'air même, ou plutôt les différentes espèces de fluides aériformes qui composent l'atmosphère, c'est-à-dire des fluides expansibles à un degré de chaleur inférieur à celui des plus grands froids connus. Un de ces fluides est propre à entretenir le feu et la vie des animaux; les autres, connus sous le nom d'air fixe ou d'air acide, d'air inflammable, d'air déphlogistiqué, etc., ne peuvent servir à ces deux fonctions; l'air vital ne forme qu'environ un quart de l'air atmosphérique pris auprès de la surface de la terre. Ainsi, dans ce sens que l'atmosphère n'est pas formée par un élément simple, l'opinion pour laquelle M. de Voltaire paraît pencher est très-vraie; et personne, parmi les physiciens, ne s'en doutait lorsqu'il publia cet ouvrage. (K.)

— Il y avait cependant bien des moyens de se donner une certitude, ne fût-ce qu'en essayant de vivre dans le vide. On conn-àhsaitlai. machine pneumatique. (D.)

��27. - MÉLANGES. VI. 12

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