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DE L'AIR. ,|75

Le feu répandu dans l'intérieur du globe, ce feu caché dans l'eau et dans la glace même, est probablement la source impé- rissable de ces exhalaisons, de ces vapeurs dont nous sommes continuellement environnés. Elles forment un ciel bleu dans un temps serein, quand elles sont assez hautes et assez atténuées pour ne nous envoyer que des rayons bleus, comme les feuilles de l'or amincies exposées aux rayons du soleil dans la chambre obscure K Ces mômes vapeurs forment les tonnerres et les éclairs. Comprimées et ensuite dilatées par cette compression dans les entrailles de la terre, elles s'échappent en volcans, forment et détruisent de petites montagnes, renversent des villes, ébranlent quelquefois une grande partie du globe.

Cette mer de vapeurs dans laquelle nous nageons, qui nous menace sans cesse, et sans laquelle nous ne pourrions vivre, comprime de tous côtés notre globe et ses habitants avec la même force que si nous avions sur notre tête un océan de trente-deux pieds de hauteur; et chaque homme en porte environ quarante mille livres.

Tout ceci posé, les philosophes qui nient l'air disent : Pourquoi attribuerions-nous à un élément inconnu et invisible des effets que l'on voit continuellement produits par ces exhalaisons visibles et palpables?

L'air est élastique, nous dit-on; mais les vapeurs de l'eau seule le sont souvent bien davantage. Ce que vous a})pelez l'élé- ment de l'air, pressé dans une canne à vent, ne porte une balle qu'à une très-petite distance; mais, dans la pompe à feu des bâ- timents d'York à Londres, les vapeurs font un elfet cent fois plus violent.

On ne dit rien de l'air, continuent-ils, qu'on ne puisse dire de même des vapeurs du globe; elles pèsent comme lui, s'insi- nuent comme lui 2; elles se dilatent, elles se condensent de même, elles allument le feu de même. Ici se présente une grande ob- jection, c'est que le feu est subitement éteint par des vapeurs grossières. Les exhalaisons du vin nouveau éteignent un flambeau dans une cave fermée : la même chose arrive à l'entrée de la

1. L'or est vert par transmission, et non bleu. Peut-être celui que Voltaire avait vu était-il argentifère. Les couches des mines d'argent sont en effet bleues par transmission. (D.)

2. Dans l'édition originale, on lit :

«... s'insinuent comme lui, allument le feu par leur souffle, se dilatent, se con- densent de même.

« Ce système semble, etc. »

Le texte actuel a paru, pour la première foi-;, dans l'édition de Kclil.

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