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À ANTOINE-JACQUES RUSTAN.

Nous n’avons plus qu’un mot à vous dire. Vous vantez avec justice des exemples de bienfaisance que les Anglais ont donnés, et des souscriptions qu’ils ont ouvertes en faveur de leurs ennemis mêmes ; mais les Anglais prétendent qu’ils ne se sont portés à ces actes d’humanité que depuis les livres des Shaftesbury, des Bolingbroke, des Collins, etc. Ils avouent qu’il n’y eut aucune action généreuse de cette nature dans le temps que Cromwell prêchait le fanatisme le fer à la main ; aucune lorsque Jacques Ier écrivait sur la controverse ; aucune quand le tyran Henri VIII faisait le théologien : ils disent que le théisme seul a rendu la nation bienfaisante. Vous pourrez tirer un grand parti de ces aveux, en montrant que c’est l’adoration d’un Dieu qui est la source de tout bien, et que les disputes sur le dogme sont la source de tout mal. Retranchez de la morale de Jésus les fadaises théologiques, elle restera divine : c’est un diamant couvert de fange et d’ordure.

Nous vous souhaitons la modération et la paix.
FIN DES INSTRUCTIONS À A.-J. RUSTAN.