Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome27.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
AUX ROMAINS.

leur envie, se sont attiré une cruelle condamnation ; leur Dieu leur ayant promis de leur envoyer son saint du haut du ciel, qui serait leur roi à bien juste titre, et ayant promis qu’il serait fils d’une vierge, le dieu des Hébreux l’a envoyé en effet, moi étant président en Judée. Les principaux des Juifs me l’ont dénoncé comme un magicien ; je l’ai cru, je l’ai bien fait fouetter, je le leur ai abandonné, ils l’ont crucifié, ils ont mis des gardes auprès de sa fosse ; il est ressuscité le troisième jour. »

Je joins à cette supposition celle du rescrit de Tibère au sénat, pour mettre Jésus au rang des dieux de l’empire, et les ridicules lettres du philosophe Sénèque à Paul, et de Paul à Sénèque, écrites en un latin barbare, et les lettres de la vierge Marie à saint Ignace ; et tant d’autres fictions grossières dans ce goût. Je ne peux pas trop étendre ce dénombrement d’impostures, dont la liste vous effrayerait si je les comptais une à une.

QUATRIÈME IMPOSTURE.

La supposition la plus hardie peut-être, et la plus grossière, est celle des prophéties attribuées aux sibylles qui prédisent l’incarnation de Jésus, ses miracles, et son supplice, en vers acrostiches. Ces bêtises, ignorées des Romains, étaient l’aliment de la foi des catéchumènes. Elles ont eu cours pendant huit siècles parmi nous, et nous chantons encore dans une de nos hymnes[1] : teste David cum sibylla, témoin David et la sibylle.

Vous vous étonnez sans doute qu’on ait pu adopter si longtemps ces misérables facéties, et mener les hommes avec de pareilles brides ; mais les chrétiens ayant été plongés quinze cents ans dans la plus stupide barbarie, les livres étant très-rares, les théologiens étant très-fourbes, on a tout osé dire à des malheureux capables de tout croire.

CINQUIÈME IMPOSTURE.

Illustres et infortunés Romains, avant d’en venir aux funestes mensonges qui vous ont coûté votre liberté, vos biens, votre gloire, et qui vous ont mis sous le joug d’un prêtre ; et avant de vous parler du prétendu pontificat de Simon Barjone, qui siégea, dit-on, à Rome pendant vingt-cinq années, il faut que vous soyez instruits des Constitutions apostoliques : c’est le premier fondement de cette hiérarchie qui vous écrase aujourd’hui.

  1. La prose de l’office des morts.