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3S8 SERMON

Le protestant a craint autrefois que le catholique n'apportât la transsubstantiation, les reliques, les taxes romaines, et l'escla- vage dans sa ville. Le catholique a craint que le protestant ne vînt attrister la sienne par sa manière d'expliquer l'Évangile, et par le pédantisme reproché aux consistoires. Pour avoir la paix, il fallut renoncer à l'humanité. Mais les temps sont changés ; la controverse, les disputes de l'école, qui ont si longtemps allumé partout la discorde, sont aujourd'hui l'objet du mépris do tous les honnêtes gens de l'Europe.

S'il est encore des fanatiques, il n'est point de bourgeois, de cultivateur, d'artisan, qui les écoute. La lumière se répand de proche en proche, et la religion ne fait presque plus de mal.

Qui est celui d'entre vous qui n'affermera pas son champ et sa vigjie à un anabaptiste, à un quaker, à un socinien, à un men- nonite, à un piétiste, à un morave, à un papiste, s'il est sûr qu'il fera un meilleur marché avec cet étranger qu'avec un homme de votre ville, fermement attaché au système de Zuingle ? Les terres de Genève ne sont cultivées que par des papistes savoyards; ce sont des papistes lombards qui labourent les champs des cantons que nous possédons dans le Milanais; et plus d'un protestant fabrique des toiles dont la vente enfle le trésor de l'abbé de Saint- Gall.

Or, si la malheureuse division que les différentes sectes du christianisme ont mise entre les hommes n'empêche pas qu'ils ne travaillent les uns pour les autres dans le seul but de gagner quelque argent, pourquoi empêchera-t-elle qu'ils ne fraternisent ensemble pour jouir des charmes de la vie civile? N'est-il pas absurde que vous puissiez avoir un fermier catholique, et que vous ne puissiez pas avoir un concitoyen catholique ?

Je ne vous propose pas de recevoir parmi vous des prêtres romains, des moines romains : ils se sont fait un devoir cruel d'être nos ennemis; ils ne vivent que de la guerre spirituelle qu'ils nous font, et ils nous en feraient bientôt une réelle; ce sont les janissaires du sultan de Rome.

Je vous propose d'augmenter vos richesses et votre liberté, en admettant parmi vous tout séculier à son aise, que l'amour de cette liberté appellerait dans vos contrées. J'ose assurer qu'il y a même en Italie plus d'un père de famille qui aimerait mieux vivre avec vous dans l'égalité, à l'ombre de vos lois, que d'être l'esclave d'un prêtre souverain. Non, il n'y a pas un seul séculier italien, il n'y a pas dans Rome un seul Romain (j'excepte toujours la populace) qui ne frémisse dans le fond de son cœur de ne

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