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SERMON

expiât le crime de quatorze cents ans de persécutions chrétiennes, exercées presque sans interruption pour noyer dans le sang humain la liberté naturelle. L'impératrice de Russie non-seulement établit la tolérance universelle dans ses vastes États, mais elle envoie une armée en Pologne, la première de cette espèce depuis que la terre existe, une armée de paix, qui ne sert qu'à protéger les droits des citoyens, et à faire trembler les persécuteurs. roi sage et juste, qui avez présidé à cette conciliation fortunée! ô primat éclairés prince sans orgueil, et prêtre sans superstition, soyez bénis et imités dans tous les siècles!

C'était beaucoup, mes frères, pour la consolation du genre humain, que les jésuites, ces grands prédicateurs de l'intolérance, eussent été chassés de la Chine et des Indes, du Portugal et de l'Espagne, de Naples et du Mexique, et surtout de la France, qu'ils avaient si longtemps troublée; mais enfin ce ne sont que des victimes sacrifiées à la haine publique. Elles ne l'ont point été à la raison universelle. Tant de princes chrétiens n'ont point dit : Chassons les jésuites, afin que nos peuples soient délivrés du jong monacal, afin qu'on rende à l'État des biens immenses engloutis dans tant de monastères, et à la société tant d'esclaves inutiles ou dangereux. Les jésuites sont exterminés, mais leurs rivaux subsistent. Il semble même que ce soit à leurs rivaux qu'on les immole. Les disciples de l'insensé Ignace, de ce chevalier errant de la Vierge, eux-mêmes chevaliers errants de l'évêque de Rome, disparaissent sur la terre; mais les disciples^ d'un fou beaucoup plus dangereux, d'un François d'Assise, couvrent une partie de l'Europe; les enfants du persécuteur Dominique* triomphent. On n'a dit encore ni en France, ni en Espagne, ni en Portugal, ni à Naples : Citoyens qui ne reconnaissez pas l'évêque de Rome pour le maître du monde, sujets qui n'êtes soumis qu'à votre roi, chrétiens qui ne croyez qu'à l'Évangile, vivez en paix; que vos mariages, confirmés par les lois, repeuplent nos provinces dévastées par tant de malheureuses guerres, occupez dans nos villes les charges municipales; hommes, jouissez des droits des hommes. On a fait le premier pas dans quelques royaumes, et on tremble au second; la raison est plus timide que la vengeance.

C'était autrefois, mes frères, une opinion établie chez les Grecs que la sagesse viendrait d'Orient, tandis que, sur les bords

1. Voyez pages 451 et 467

2. Les autres moines.

3. Les franciscains; voyez tome Xll pages 292 et 338.

4. Les dominicains; voyez tome XII, pages 292 et 339.