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PRÉFACE

DE M. ABAUZIT'

��Un jeune homme plein de mérite et distingué par de très- beaux ouvrages est l'auteur de la pièce suivante. C'est une ré- ponse à une de ces épîtres qu'on nomme Héroïdes. Un auteur s'était diverti à écrire une lettre en vers au nom de l'abbé de Rancé, fondateur de la Trappe, homme autrefois voluptueux, mais alors se dévouant, lui et ses moines, à une horrible péni- tence. Un moine devenu sage répond ici à l'abbé de Rancé.

Si jamais on a mis dans tout son jour le fanatisme orgueil- leux des fondateurs d'ordre, et la malheureuse démence de ceux qui se sont faits leurs victimes, c'est assurément dans cette pièce- L'auteur nous a paru aussi religieux qu'ennemi de la supersti- tion. Il fait voir que, pour servir Dieu, il ne faut pas s'ensevelir dans un cloître pour y être inutile à Dieu et aux hommes. Il écrit en adorateur de la Divinité et en zélateur de la patrie. En effet, tant d'hommes, tant de filles que l'État perd tous les ans, sans que la religion y gagne, doivent révolter un esprit droit et faire gémir un cœur sensible.

Cette épître se borne à déplorer le malheur de ces insensés que la séduction enterre dans ces prisons réputées saintes, dans ces tombeaux de vivants où la folie du moment auquel on a prononcé

1. Barthe (N.-T.), né à Marseille en 1734, mort en 1785, avait publié, en 1766 une Lettre de l'abbé de Rancé à un ami. La Harpe (J.-F.), mort en 1803, fit paraître une Réponse d'un solitaire de la Trappe à la lettre de l'abbé de Rancé. ^'oltaire parle de cette dernière pièce dans sa lettre au roi de Prusse, du 5 avril 1767. Ce fut la même année que Voltaire composa cette Préface, sans doute pour une édition qu'il fit faire de la Réponse par La Harpe. Je n'ai pas vu cette édition de 1767, et je n'ose affirmer qu'elle existe ; mais Voltaire fit réimprimei" la Réponse avec sa Préface, en 1769, dans le tome II des Clioses utiles et agréables, page 161. C'est là que j'en ai pris le texte et l'intitulé. Ce n'était pas la première fois que Voltaire prenait le nom de Firmin Abauzit, né à Uzès en 1079, mort le 20 mars 1767. Il l'avait fait auteur de l'article Apocalypse du Dictionnaire pldlosophique ; voyez la lettre de Voltaire à Damilaville, du 12 octobre 176i. (B.)

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